aborda la tâche qu’il entreprit à peu près par tous les côtés à la fois, mais sur chaque point pourtant avec tant de méthode et de précision qu’aucune confusion ne résulta de ces essais simultanés : en sorte que, si on passe en revue toutes les branches de l’enseignement supérieur, secondaire et primaire, on trouve qu’il a laissé dans chacune une trace heureuse de son passage et imprimé une impulsion dont on se ressent encore aujourd’hui.
Chose au moins aussi remarquable, là où cette action de M. Duruy s’est trouvée en résultat le plus efficace, c’est sur le terrain où elle parut au premier moment le plus limitée et le moins directement exercée, dans l’enseignement supérieur. Là, on le sait aujourd’hui, tout était à faire. Notre savant confrère, M. Liard, a montré, par un exposé clair et complet, dans quel état d’imperfection et d’insuffisance vraiment regrettable était encore l’instruction supérieure en France à cette date de 1863. Non assurément qu’on puisse dire que ce haut degré d’enseignement eût été jusque-là sans fruit et sans éclat, et n’eût pas servi à maintenir le renom et à entretenir le mouvement de l’esprit français. Ce serait faire trop bon marché des souvenirs de Royer-Collard, de Guizot, de Villemain, de Cousin, d’Arago, d’Ampère, de Thénard, de Poisson, de Gay-Lussac, qui tous, à des degrés et sur des théâtres divers, à la Sorbonne, au Collège de France, ou dans des écoles spéciales, ont figuré dans les cadres de l’enseignement supérieur. Mais il est certain que ce développement, si brillant par intervalle, n’était, par suite d’un vice d’organisation, ni continu, ni général. Aucun service régulier ne pouvait être attendu d’un petit nombre de facultés éparses sur la surface du pays, et là même où elles étaient rapprochées, plutôt juxtaposées qu’unies, sans lien de collaboration entre elles, les études de science manquaient presque partout d’appareils matériels suffisans, et les études d’histoire et de lettres s’adonnaient plutôt à des considérations générales qu’à la recherche précise des faits et des textes. M, Duruy ne fut ni le seul, ni le premier, qui ait été frappé de cet état de langueur et d’incohérence. Plus d’un de ses prédécesseurs s’en était affligé avant lui, en particulier M. Cousin qui, trente ans auparavant, à la suite d’une visite qu’il avait faite aux universités allemandes, leur comparait tristement nos facultés de France éparpillées, disait-il, et « mourantes, ne formant nulle part un véritable foyer de lumières », et se montrait pressé de leur substituer « des centres scientifiques rares et bien placés ».