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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/616

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division du prince d’Orange et que l’armée anglaise se dirigeait sur ce point. La lettre se terminait ainsi : « Je ne vois pas beaucoup de l’ennemi en face de nous, et j’attends des nouvelles de Votre Excellence pour décider des opérations ? »

Wellington ne tarda pas à se raviser. Il réfléchit qu’au lieu d’attendre des nouvelles qu’il ne saurait contrôler, il ferait mieux, sûr comme il l’était de n’être point tout de suite attaqué aux Quatre-Bras, d’aller voir les choses par lui-même et de se concerter verbalement avec Blücher. Vers une heure, il joignit le feld-maréchal sur les hauteurs de Brye. On monta dans le moulin de Winter[1], situé en avant de ce village, et d’où l’on embrassait tout le terrain mieux encore que du moulin de Fleurus ne le pouvait Napoléon. Les colonnes françaises débouchaient de tous les points ; avec les lorgnettes on reconnaissait l’Empereur au milieu de son état-major. Il semblait évident qu’on allait avoir à combattre l’armée impériale tout entière, le détachement qui occupait Frasnes n’en étant qu’une fraction négligeable.

« Que voulez-vous que je fasse ? » dit brusquement Wellington en français (il ignorait la langue allemande). Gneisenau proposa que le duc dirigeât sans tarder toutes ses troupes en arrière de Brye, comme réserve à l’armée prussienne. Ce plan, fondé sur une fausse appréciation de la répartition des forces de Napoléon, fut combattu par Müffling. Il dit en substance que les Anglais devaient manœuvrer de façon à déborder la gauche française. « C’est ça, s’écria Wellington. Je culbuterai ce que j’ai devant moi à Frasnes et je marcherai sur Gosselies. » Gneisenau objecta que ce mouvement serait excentrique et d’un résultat douteux, tandis que la concentration à Brye aurait un succès sûr et décisif. La discussion se prolongeant, Wellington dit pour en finir : « Eh bien ! je viendrai si je ne suis pas attaqué moi-même. » Sur ces paroles, qui n’avaient rien d’un engagement formel, le duc repartit pour les Quatre-Bras, tandis que Blücher prenait ses dernières dispositions tactiques.


V

Face à la colline de Fleurus, s’élève en pente douce, au-delà d’un terrain très vallonné, une ligne de hauteurs où sont situés

  1. A une seconde excursion à Ligny, je n’ai point retrouvé ce moulin, appelé aussi le moulin de Bussy. Il a été démoli en 1895.