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à l’Ouest, le village de Brye, à l’Est le village de Tongrinne, au centre et un peu en retraite, le bourg de Sombreffe. Ces positions, d’une altitude moyenne de 40 mètres seulement au-dessus de la plaine, sont en elles-mêmes d’un accès facile. Mais à leur pied serpente, dans un fond, presque raviné en certains endroits, le ruisseau de la Ligne[1]. Large de 4 à 5 mètres, encaissé dans des berges verticales de 3 à 4 pieds, bordé de saules, d’aulnes, de buissons de ronces, ce ruisseau forme une tranchée naturelle que flanquent, à la droite, les villages de Wagnelée, les hameaux de la Haie et du Petit Saint-Amand et le village de Saint-Amand ; à la gauche, les hameaux de Potriaux et les villages de Tongrinelle, de Boignée et de Balâtre. Au centre, s’élève le village de Ligny avec ses deux grandes fermes, son château[2], et son église entourée d’un cimetière en contre-haut et clos de murs. Le front de la position se trouve ainsi constitué par un fossé continu et neuf bastions ou blockhaus, les uns en avant de ce fossé comme le Petit et le Grand Saint-Amand, Tongrinelle, Boignée, Balâtre, les autres en arrière du fossé comme la Haie, Potriaux, Tongrinne. Le neuvième et le plus important, Ligny, est traversé dans toute sa longueur par le ruisseau.

Du moulin de Fleurus, observatoire de Napoléon, les positions prussiennes paraissaient moins fortes qu’elles ne l’étaient en réalité. L’Empereur ne pouvait se rendre compte exactement du vallonnement. Les fonds plus ou moins ravinés où court le ruisseau de la Ligne échappaient à sa vue. Il semblait qu’il n’eût devant lui qu’une vaste plaine, couverte de blés, légèrement déclive au centre et se relevant en pente douce jusqu’à l’extrême horizon. Il fit chercher un géomètre du pays, nommé Simon, qui le renseigna du mieux qu’il put.

A midi, les corps de Pirch Ier et de Thielmann commençaient à peine de se masser derrière Sombreffe et Tongrinne, et les quatre divisions de Zieten étaient encore seules en ligne avec la cavalerie de Röder. L’Empereur estima justement qu’il n’avait devant lui qu’un corps d’armée. Il ne se méprit pas pour cela sur les intentions de Blücher. « Le vieux renard ne débuche pas », dit-il. Il conjectura que le feld-maréchal avait pris une

  1. De Wagnelée à Saint-Amand, où il reçoit deux petits affluens, ce ruisseau est nommé le Grand-Ry ; de Saint-Amand, au-delà de Tongrinne, on l’appelle la Ligne ou le Ligny.
  2. Le château des comtes de Looz, démoli aujourd’hui, était déjà à moitié en ruines en 1815.