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position d’attente où il espérait imposer assez longtemps aux Français pour donner le temps de le rejoindre à ses autres corps d’armée et, selon toute prévision, à l’armée de Wellington. Si Blücher avait eu pour objectif de défendre ses lignes de communication avec ses seules forces, il eût pris position perpendiculairement à la route de Namur, entre Sombreffe et Balâtre. L’extension de sa ligne vers Wagnelée révélait un plan de réunion avec l’armée anglaise en marche de Bruxelles.

Résolu à attaquer sur-le-champ, l’Empereur fut très déconcerté d’apprendre que le corps de Gérard n’était point même en vue. Il attendit. Sans doute, il croyait alors qu’un seul corps ennemi lui était opposé, et il avait dans la main le corps de Vandamme, les 1er et 2e corps de cavalerie, et, en seconde ligne, derrière Fleurus, la garde impériale. Mais il appréhendait, non sans raison, l’arrivée au cours de l’action de la masse de l’armée prussienne qui très vraisemblablement devait être en marche sur Sombreffe.

Un peu après midi, Gérard, qui avait devancé son corps d’armée, arriva sur la ligne des avant-postes avec une petite escorte. En cherchant l’Empereur, il s’approcha à portée de carabine d’un poste de cavalerie ennemie. Les Prussiens chargèrent. Gérard, jeté à bas de cheval, se trouva en grand danger d’être fait prisonnier ; il fut sauvé par son aide de camp. Ayant rejoint l’Empereur au moulin, il crut devoir dire quelques mots sur la désertion de Bourmont, qui n’avait obtenu un commandement qu’à ses pressantes sollicitations. L’Empereur l’interrompit : « Je vous l’avais bien dit, général, qui est bleu est bleu et qui est blanc est toujours blanc ! »

A une heure seulement, le corps de Gérard déboucha à la droite de Fleurus. L’ordre du mouvement avait été envoyé dès 8 heures[1], et de Châtelet à Fleurus, il y a dix kilomètres.

  1. Gérard prétend que l’ordre de Soult ne lui arriva qua neuf heures et demie, ce qui paraît au moins singulier, puisqu’il n’y a que six kilomètres de Charleroi à Châtelet. Il ajoute que, très impatient de marcher en avant ce matin-là, il dit à Exelmans, « dont les troupes étaient cantonnées auprès des siennes, et qui était venu causer avec lui, qu’il augurait mal de tous ces retards. »
    Comment Exelmans, qui était avec ses dragons à Lambusart, à deux lieues de Châtelet et en présence de l’ennemi, était-il venu faire un bout de causette avec Gérard ?
    Comment Gérard, si pressé d’agir, n’avait-il pas, dès cinq heures du matin, exécuté les ordres de l’Empereur, qu’il avait, pour une cause ou pour une autre, négligé d’exécuter la veille ? Pourquoi n’avait-il pas fait passer la Sambre à ses trois divisions et ne les avait-il pas réunies, à Châtelineau à la division Hulot ? Là,