— Ce sont des filles de verriers ? avais-je demandé à la sœur qui les accompagnait dans la cuisine, et leur y faisait remplir leur panier.
— Oui, m’avait-elle dit, en souriant, ce sont les aristocrates.
D’autres, en effet, celles qui n’étaient pas les aristocrates, attendaient à l’entrée publique, et là, toute une assistance loqueteuse grouillait dans un piétinement silencieux, sous le plafond d’une petite salle qui communiquait à la cuisine par un guichet. Une face hâve, de temps à autre, se présentait au guichet, une main tendait un pot, la sœur remplissait le pot, la mainte reprenait, et on me disait tout bas : « Une verrière ! » Puis, au bout d’un moment, après un nouveau défilé, une autre figure inquiète et grise apparaissait sous un fichu, une main tendait encore un pot, et on me disait encore : « Une verrière ! »
A un moment, je m’approche d’une vieille en marmotte, qui pleurait en tendant son écuelle.
— Votre fils est verrier ?
— Oui, me répond-elle... Nous sommes sept à manger à la maison.
— Et vous, dis-je à une autre qui avait un chapeau de paille par-dessus sa coiffe et portait des lunettes, vous êtes verrière ?
Celle-là me regarde d’un air méfiant, m’observe, et me lance d’une voix dure :
— Oui... Mes garçons sont partis pour Montluçon...
Les Sœurs ont installé un ouvroir ; je le visite avant de repartir, et on m’y indique, au milieu des jeunes filles qui travaillent là, une fillette d’une douzaine d’années. C’est, me dit-on, la fille d’un verrier. Sa tenue est irréprochable, son petit tablier très propre, et sa petite figure très sage, mais très pâle, et toute tirée de petites rides.
Je lui demande :
— Votre père est à la Verrerie ouvrière ?
Elle hésite, puis me dit en baissant la tête :
— Non, monsieur, c’est mon frère.
— Et, qu’est-ce qu’il est ?
— Grand garçon.
— Est-ce qu’il gagne bien sa vie ?
Elle hésite encore, tortille un instant ses mains, baisse encore la tête, sourit, et ne répond rien.
Le frère, en réalité, comme grand garçon, devait gagner environ trente sous par jour. On lui retenait là-dessus « vingt pour