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LA DOCTRINE ÉVOLUTIVE
ET
L’HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE

Ce que l’on doit assurément le moins craindre, quand on s’est proposé d’agir par la plume ou par la parole, c’est de se « répéter », et d’autant moins, qu’en fait, on ne se « répète » presque jamais. On peut bien dire les mêmes choses, mais on les dit d’une autre manière ; et alors sont-ce bien les mêmes choses ? « C’est la même balle dont on joue, mais on la place mieux. » Et, s’il en était autrement, de quoi donc la vie, dans son cours, et l’expérience, et la lecture, et la réflexion nous serviraient-elles ? Ajoutez-y ce que nos idées, celles que nous croyons le plus nôtres, empruntent nécessairement de signification nouvelle, non seulement aux idées de ceux qui les contredisent, mais encore de ceux qui les approuvent, et qui ne sauraient s’empêcher, en les approuvant, de les modifier pour se les adapter. Les choses évoluent ; nous évoluons avec elles ; nos idées évoluent avec nous ! et je sais bien qu’aujourd’hui tout le monde le sait. Mais, par hasard, si quelqu’un ne le savait pas, et même quand on le saurait, quelle meilleure occasion de le rappeler, plus favorable et plus naturelle, qu’au début de ces quelques pages, où je voudrais montrer ce que la doctrine évolutive a déjà rendu, peut rendre et rendra de services à l’histoire de la littérature et de l’art ?


I

Rassurons avant tout les esprits un peu timides, à qui les exagérations de quelques évolutionnistes, — et aussi, mais en sens