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inverse, de quelques théologiens, — ont persuadé que la doctrine de l’évolution était incompatible avec l’intégrité de leur foi chrétienne. Ils sont moins nombreux aujourd’hui qu’autrefois, mais il y en a toujours ; j’en connais ; et une preuve certaine qu’il y en a, c’est qu’on a précisément organisé pour eux, et contre nous, l’enseignement des jeunes filles à l’Institut catholique de Paris. « Combien de mères, — pouvait-on lire il n’y a pas dix-huit mois, dans une circulaire que j’ai là sous les yeux, et dont l’auteur était Mgr d’Hulst, — combien de mères conduisent leurs filles à ces cours de la Sorbonne et du Collège de France, où il est rare, sans doute, qu’elles entendent une parole de nature à blesser ou à inquiéter leur foi... mais où les théories naturalistes de révolution imprègnent l’histoire, la philosophie, la littérature et l’art au point de n’y plus laisser de place pour Dieu ni pour son Christ ! Pourquoi vont-elles boire à ces sources malsaines ou douteuses ? » Je n’ai point qualité ni titre pour défendre ici les cours de la Sorbonne ou du Collège de France ; et, d’ailleurs, je trouve tout naturel que, si les guides autorisés des consciences catholiques, ou protestantes, n’approuvent pas l’enseignement qui s’y donne, ils le disent, comme aussi qu’à cet enseignement ils essaient d’en substituer un autre. C’est leur droit, et même leur devoir. Mais d’avancer, après cela, que les « théories naturalistes de l’évolution » ne laissent de place, dans l’histoire de la littérature et de l’art, ni pour Dieu ni pour son Christ, c’est confondre, à mon humble avis, des choses qui veulent être scrupuleusement distinguées, séparées, divisées ; — c’est décider bien imprudemment une question que peut-être n’a-t-on pas examinée d’assez près ; — et enfin, de son autorité personnelle et privée, c’est décréter, entre les choses de la foi et la doctrine évolutive, une incompatibilité qu’on pourrait être, au besoin, assez embarrassé de prouver.

Tel est aussi l’avis d’un savant religieux, le Père Zahm, qui, dans le temps même que Mgr d’Hulst condamnait avec cette assurance la doctrine de l’évolution, composait, lui, tout un livre, un gros livre, et un fort bon livre : Evolution and dogma[1], pour établir démonstrativement qu’à tout le moins la doctrine évolutive ne saurait être rendue responsable des exagérations de ceux qu’on en pourrait appeler les « radicaux ». À ce prêtre hardi, mais non pas téméraire, ni la génération spontanée ne semble incompatible avec

  1. Le livre du P. Zahm a été traduit récemment en français ; Paris, 2 vol. Lethielleux, 1897.