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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/178

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Le 16 juillet, on arrivait à Reims ; le 17, le sacre fut célébré.

L’intention de Jeanne était de marcher immédiatement vers Paris et la situation où la ville se trouvait alors permet d’assurer qu’elle eût été prise en effet, si l’on n’avait pas perdu de temps. C’est le 18 juillet, semble-t-il, au lendemain même du sacre que cette décision fut arrêtée dans l’esprit de Jeanne. « Demain, le roi doit partir pour Paris… La Pucelle ne doute pas qu’elle ne fasse rentrer la ville dans l’obéissance du roi[1]. » Il en arriva tout autrement ; le roi resta trois jours à Reims ; le 22, on lui apporta les clefs de Soissons ; le 23, il gagna cette ville où il demeura cinq ou six jours. Cependant, Bedford renforçait les défenses de Paris. « Jamais peut-être, un roi n’avait montré tant d’habileté dans l’art de compromettre sa couronne. »

Après d’inutiles conférences tenues avec le duc de Bourgogne au sujet de la reddition de Paris, après d’inutiles allées et venues qui firent gagner du temps aux Anglais, après cinq mortelles journées perdues dans Compiègne, Jeanne, à bout de patience, invita le duc d’Alençon et les autres chefs de l’armée à se préparer pour la campagne (23 août).

Le meilleur des troupes suivit Jeanne sans ordre du roi. Le 26, elle entra dans Saint-Denis sans coup férir, et supplia le roi d’y venir, mais ne reçut de lui aucune réponse et pas même un remercîment. Enfin, le 27 septembre, après deux autres semaines perdues, il daigna se rendre à cet appel.

Jeanne oublia ses affronts et ses tristesses et se mit à l’œuvre avec son entrain habituel. Malheureusement le roi, bien pareil à lui-même, ne devait négliger rien de ce qui pourrait tournera l’avantage de ses ennemis.

Le 8 septembre, on résolut d’assaillir Paris par la porte Saint-Honoré. Le boulevard fut emporté du premier coup. Jeanne, franchissant l’avant-fossé qui était sec, monta sur le dos d’âne et découvrit le fossé véritable qui était plein d’eau. « Elle ne le savait pas, mais aucuns de ceux qui étaient avec elle le savaient ; ils le lui cachèrent par désir qu’il lui arrivât malheur. »

Sans s’arrêter à ce contretemps, elle commanda de remplir le fossé au moyen de fascines et de différens matériaux ; elle-même demeurait exposée aux coups, sur la crête du dos d’à ne. Rien n’était prêt, et le travail avançait lentement ; Jeanne cependant,

  1. Extrait d’une lettre adressée à n reine par un personnage de la cour.