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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/278

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mouvement de surprise. — Vous semblez ne pas approuver ? — Non, certes, répondit Mac-Mahon, Niel était le dernier à choisir ; un siège doit être conduit par un chef de troupes et non par un ingénieur inexpert à manier des hommes. » Et il rappela l’exemple de Lefebvre à Dantzig. Alors l’Empereur invoqua la malheureuse affaire du 18. « Ce n’est pas une raison, riposta Mac-Mahon ; on ne doit pas destituer un commandant en chef pour une affaire malheureuse. Il a échoué le 18 ; il réparera son échec, voilà tout », et il répéta : « Niel était le dernier à choisir. »

Le lendemain, Fleury, ignorant ce qui se passait, se rend à la première heure à Saint-Cloud auprès de l’Empereur afin de lui communiquer, selon son habitude, les informations reçues de ses amis de Crimée. « Dites bien à l’Empereur, lui écrivait-on, qu’il se délie des renseignemens de Saint-Jean-d’Angély, Niel et Béville. » L’Empereur lui répond : « L’antagonisme entre Pélissier et moi ne peut durer davantage, j’ai décidé hier son remplacement par Niel, dont je fais le plus grand cas : la dépêche a dû partir dans la soirée. — Ah ! Sire, quel malheur ! je vous en supplie, contremandez cet ordre. Il y va de la grandeur de l’Empire, il y va de la gloire de l’armée. » Et il développe les raisons déjà données par Mac-Mahon.

Vaillant survient peu après, non sur l’invitation de Fleury, mais parce que c’était le jour ordinaire du Conseil. Avant la séance, il reproduit les représentations déjà entendues de Mac-Mahon et Fleury. Il démontre avec tant de force, en s’étayant de l’opinion de Napoléon Ier, combien l’exigence de l’Empereur était peu conforme aux saines notions militaires ; il lui représente avec tant d’émotion ce qu’il y avait de cruel à frapper ainsi un brave officier aux prises avec l’ennemi ; il dépeint sous des couleurs si vives le désarroi qu’allait jeter dans l’armée cette révolution imprévue dans le commandement, après les deux qui s’étaient déjà produites, que l’Empereur fut à demi convaincu. S’étant rendu à Paris après le conseil, il convoqua aux Tuileries, avec Vaillant, Walewski, Persigny, l’amiral Hamelin, et leur demanda leur avis. Ils furent unanimes à ne pas approuver sa lettre. « C’est bien malheureux, dit l’Empereur, qu’elle soit partie. — Elle est partie, sire, mais on pourrait la retenir à Marseille. — Retenez-la », répondit l’Empereur. La lettre, qui avait été expédiée de Paris le 3 au soir, fut arrêtée à Marseille le 4. « Je crois, écrit Vaillant sur son carnet journalier, avoir rendu un immense