Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/641

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perpétuelle mineure ? Si oui, les Orientaux ont résolu la difficulté. Dès que l’animal féminin devient nubile, ils l’enferment, au lieu de le laisser imprudemment errer à la disposition des passans. Et ce ne sont pas eux qu’on peut accuser d’encourager, grâce à la tolérance des lois et des mœurs, « les charmans mauvais sujets chantés par nos vaudevillistes ». Ce ne sont pas eux qui méconnaissent que la virginité soit « un capital », ou qui passent pour trop tendres à l’égard du « voleur » et du « faussaire » surpris à escalader les murailles du harem. Voilà longtemps qu’ils ont réalisé le progrès « d’assurer à l’honneur des filles les mêmes garanties qu’à la plus grossière marchandise ». Au moins, est-il bien entendu que les filles, leur honneur et leur capital sont des marchandises ; on les protège donc comme telles ; et celui qui se les approprie par la fraude ou par la violence se trouve passible des châtimens les plus sévères. Est-ce vers cet idéal, ou vers un idéal analogue à celui-là que tendent nos réformateurs ? Jusqu’à présent, il n’y paraît pas. — La femme est-elle au contraire responsable de ses actes, et digne des libertés dont elle bénéficie ? Alors, en saine logique et en pure équité, on ne comprend plus les privilèges que réclament les défenseurs de sa cause : « Une propriété et un capital, dira-t-on, doivent-ils être protégés par une loi ? Oui. — L’honneur d’une fille est-il une propriété, et sa virginité est-elle un capital ? Oui. — Propriété d’une telle importance, capital d’une telle valeur, que, quand cette propriété a été aliénée ou dérobée, que, quand ce capital a été dispersé et détruit, il n’y a rien, absolument rien, dans tout l’univers, qui puisse les remplacer. » Alexandre Dumas fils, ici une fois de plus, se paye et nous paye de mots. La propriétaire du capital en question a-t-elle été dérobée ? En ce cas, il y a crime de viol, et l’article 332 du Code pénal frappe le criminel des travaux forcés. A-t-elle au contraire, de son libre consentement, aliéné son bien dans des conditions défavorables, et ne s’est-elle pas prémunie des garanties que lui offre le Code au titre du mariage ? En ce cas, elle a agi à ses risques et périls. Et il est faux d’affirmer, comme dans la préface de Monsieur Alphonse, que la loi innocente l’homme et punit la femme ; la loi, en réalité, n’innocente ni ne punit personne dans une affaire qui a été réglée sans son intervention, et dont elle ne s’occupe pas. Et il est insensé par surcroît de demander « que la loi déclare publiquement qu’il n’y a aucune honte à concevoir en dehors du mariage » ; la loi n’est pas un traité de