Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 146.djvu/789

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sociétés secrètes, prêtaient la main aux pires violences, et les honnêtes dupes qui ne voulaient aucune violence subissaient la solidarité de toutes. La Liberté n’avait pas de parti, il n’y avait qu’un parti de la révolution.

Ces faits ne pouvaient échapper à l’Église. Contre la liberté même loyalement offerte, l’Église avait une objection de principe. En droit, elle n’admettait point qu’à une doctrine divine l’égalité avec des doctrines purement humaines suffît. Livrer elle-même, pour s’assurer une action sans entraves, les intelligences aux sophismes, les volontés aux tentations du mal, exposer le dépôt sacré dont elle avait charge à des contradictions où elle voyait des blasphèmes, était reconnaître à l’erreur le droit d’apostolat, d’exemple, de victoire. En fait, rien n’eût excusé à ses yeux une dérogation tellement contraire à son intelligence du bien, sinon la certitude de gagner plus au partage du droit commun qu’à la protection du pouvoir. Or, si elle prêtait l’oreille aux programmes libéraux, son intelligence protestait contre l’omission des garanties les plus nécessaires à la liberté de la vie publique et privée ; et sa sollicitude, égale pour toutes les classes, désavouait une politique sans pensées et sans pitié pour les plus nombreux et les plus faibles. Si, sous les mots, elle cherchait le dessein véritable, elle surprenait dans toute l’Europe un plan de destruction révolutionnaire et, en cela encore, en cela surtout, un esprit fondamentalement contraire à l’esprit chrétien. L’Église porte dans la conduite des affaires humaines la même méthode que dans le gouvernement des âmes. Avec les unes comme avec les autres elle est patiente et ne veut pas désespérer. Elle garde respect à ce qui vit, les cas lui semblent rares où il faille détruire le passé pour assurer l’avenir. Favorable par principe aux évolutions pacifiques et progressives, elle était confirmée dans cette politique par la nature des gouvernemens rétablis en Europe à la chute de l’Empire. Les peuples se retrouvaient confiés à leurs vieilles dynasties ; malgré les vices des institutions et des princes, elles possédaient l’impartialité paternelle entre toutes les classes, la conscience héréditaire du devoir royal, l’intelligence historique des intérêts nationaux ; toutes mettaient au premier rang de ces intérêts la fidélité de leurs peuples à la foi religieuse. Telles furent les raisons qui décidèrent l’Église. Les anciens gouvernemens lui offraient une bienveillance éprouvée ; la Révolution, des droits illusoires ou menaçans. L’Église