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fer, munis des profils détaillés d’une région sur laquelle on leur demande de construire une ligne, ne le seraient de cacher leurs documens acquis laborieusement et à grands frais, à des ingénieurs chargés de surveiller leur travail, de le payer et qui, de leur côté, persisteraient à rester dans l’ignorance de la topographie et de la géologie du pays. L’Angleterre tient le monopole de la construction des lignes sous-marines ; la France n’en possède qu’un petit nombre dont la plupart même ont été construites par des Anglais. Ce n’est pas tout que d’avoir des colonies au-delà des océans, il faut correspondre directement avec elles. Or nous sommes à la merci d’étrangers pour nos communications télégraphiques ; les événemens de Siam et de Madagascar en fourniraient des preuves pénibles à enregistrer.


II


L’océanographie est une science rigoureuse appliquant aux phénomènes naturels de la mer les méthodes précises des sciences exactes, des mathématiques, de la mécanique, de la physique et de la chimie.

C’est une science d’expérimentation, de mesures, procédant par analyse et par synthèse dans le dessein final de se renseigner sur l’histoire actuelle de la terre et par suite sur son histoire passée et même sur son histoire future, parce que toute science qui est une découverte et un énoncé de lois est une prévision. L’océanographie est donc une branche de la géologie et, puisque les terrains stratifiés c’est-à-dire déposés au sein des mers, fabriqués par elles, entrent pour la grosse part dans la portion de la croûte terrestre directement accessible à nos investigations, on serait fondé à admettre que l’océanographie est la branche la plus importante de la géologie. Il est plaisant d’entendre raisonner sur les océans silurien, dévonien ou carbonifère vieux de milliers de siècles, discuter de leurs rivages, de leurs eaux ou de leurs courans tandis que nous savons encore si peu sur notre océan d’aujourd’hui à la surface duquel voguent nos vaisseaux, où nous plongeons nos corps, dont nos regards sont libres d’embrasser l’immense cercle, aux flots duquel nous mouillons, s’il nous plaît, nos lèvres, dont les vagues chantent à nos oreilles leur monotone et majestueuse harmonie, dont nous avons le pouvoir de prendre possession par tous nos sens.