parole, vos familles et votre pays. » A la fin de juillet, ceux d’entre nous dont la moisson était sinon achevée du moins très avancée, et que rappelaient d’impérieux devoirs de famille, demandèrent à rentrer en France. Encore bienveillant, mais encore pauvre, le ministre répondit : « Vous avez l’autorisation de revenir à vos frais. » M. Daveluy nous prêta de quoi payer notre traversée. Ainsi nous rentrions avec de l’argent emprunté. Telle est l’histoire de notre « scandaleux cumul », de notre « engraissement au râtelier du budget ».
D’autres critiques, plus dangereuses parce qu’elles venaient de plus haut, éclatèrent avant même notre départ de France et furent plusieurs fois répétées. Elles étaient de nature à nous décourager. Elles ne laissèrent pas de jeter sur l’institution nouvelle un fâcheux discrédit, heureusement passager. « Que vont-ils chercher là-bas ? disait-on. Il n’y a que des ruines ; elles sont assez connues. L’œuvre de la commission de Morée n’est pas à recommencer ; elle a épuisé le sujet. Qu’espèrent-ils de cette aventure ? L’Attique est pleine de marais ; ils n’y trouveront que la fièvre ! » Qui donc tenait cet étrange langage, dont j’affirme l’authenticité ? Des hommes illustres, que je ne nommerai pas. M. de Salvandy les avait profondément irrités en diminuant les prérogatives du Conseil supérieur, alors Conseil royal. « J’ai la responsabilité, avait-il dit, j’entends avoir l’autorité ; j’écouterai des avis, je ne subirai plus d’ordres. » — Je n’ai pas à prendre parti dans ce conflit aujourd’hui oublié ; j’explique seulement l’explosion de colères dont l’école d’Athènes recevait le contre-coup. Elle était fondée par M. de Salvandy ; donc elle n’avait pas le sens commun. Chose bien curieuse, et qui prouve une fois de plus que la vérité triomphe à son heure ! Quatre ans écoulés, j’allai offrir mes thèses, exclusivement athéniennes, à celui qui avait le plus vertement blâmé ma participation à « l’aventure »[1]. « Que vous êtes heureux, me dit-il, d’avoir visité la Grèce et d’avoir résidé à Athènes ! Je regrette amèrement de n’avoir pas fait ce voyage ; mais je suis trop vieux maintenant. » Nous avions donc eu raison de garder notre foi et notre courage.
Des jeunes gens, des camarades se montrèrent plus hostiles encore à notre mission, quoique d’une autre manière. Ils n’étaient pas très nombreux, peut-être une demi-douzaine. Toutefois la
- ↑ Victor Cousin.