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Ainsi notre petit Sénégal s’est étendu en tous sens et sa vigoureuse croissance a arrêté la Gambie, la Sierra-Leone anglaise, la Guinée portugaise, l’indépendante Libéria. C’est la moitié de la lâche. À ces conquêtes, il eût fallu joindre le bassin de la Volta, le cours inférieur du Niger. Ici, l’échec est complet.

Dès 1874, les Anglais établissent leur protectorat sur les Achantis pour le plus grand bien, cette fois, de l’humanité. Toute la Côte d’Or est à eux en 1896, avec les bouches de la Volta. Le voyage de M. Binger, la conquête du Dahomey, la concurrence allemande émurent les Anglais. En 1886 et 1890, ils s’entendirent avec leurs voisins de l’est ; en 1894, avec ceux de l’ouest, mais toujours incomplètement : l’intérieur du pays était presque inconnu et chaque État espérait s’y tailler large part. Leur plus grande expédition fut celle du mulâtre Fergusson qui, de la Côte d’Or, s’avança jusqu’à Ouagadougou, voyage étendu où il dit avoir traité avec le chef de Sansanné-Mango ; M. de Carnap n’en signa pas moins peu après avec le même chef pour l’Allemagne[1].

Allemands et Anglais, craignant notre extension, ont neutralisé une zone de 4 000 kilomètres carrés au sud du 10e parallèle, zone importante qui contient Salaga et le confluent des trois Volta. Qui des deux s’en emparera ?

La frontière ouest de la Côte d’Or fut fixée jusqu’au 9e parallèle (juillet 1894). Entre le passage de la Volta à ce parallèle et la zone neutre, l’Angleterre conservait un débouché. L’Allemagne, serrée dans son étroit Togoland, espérait une extension analogue jusqu’au Niger même ; notre Dahomey risquait le sort de Sierra-Leone et de Libéria. Il n’y avait qu’à gagner de vitesse en explorant, en occupant, et à traiter ensuite avec le plus modéré des concurrens : le dernier se trouverait en face du fait accompli. L’œuvre fut tentée par le Soudan et le Dahomey à la fois.

En 1895, le lieutenant Baud alla du Dahomey à Say et à la Côte d’Ivoire pendant que deux reconnaissances se faisaient au Mossi et au Yatenga. L’année suivante, c’est l’expédition décisive. Du Soudan part la mission Voulet ; forte de 235 hommes, dont trois blancs, elle annexe, dans un raid à la Cortez, le Mossi et le Gourounsi ; coût : 20 000 francs ! Poussant à l’est, elle rencontre le capitaine Baud envoyé du Dahomey. La jonction tant souhaitée est faite.

  1. Nous ne pouvons admettre des traités que les Anglais ne peuvent pas produire ; or, c’est le cas de presque tous ceux qu’ils invoquent contre nous !