grecs, élevés encore à l’ancienne tradition, que chassaient de Constantinople les Turcs vainqueurs, enfin et surtout le retour violent, par une naturelle réaction, après des siècles d’ascétisme religieux et esthétique, à l’amour plus direct, plus réel, en quelque sorte plus sensuel, de la nature, voilà toute l’énigme du mouvement d’art, qui a pris ce nom de Renaissance. Ce fut plus encore la revendication de la joie humaine, la revanche du corps sur l’esprit ; et ce fut bien une renaissance en vérité, quoi qu’on en ait dit parfois de nos jours, et qui ne pouvait tarder plus longtemps devant la contradiction croissante entre les réalités tangibles, individuelles, dont sont faites les bases de tous les arts plastiques — j’entends surtout l’architecture — et le spiritualisme incorporel, impersonnel, je dirai presque inconstruisible, d’un idéal et d’une religion qui prétendaient ne tenir compte que de l’âme.
Je sais que des esprits érudits et curieux ont voulu prouver que cette Renaissance avait paralysé, en France, l’essor d’un art plus national qui serait issu du gothique, et brisé, en pleine croissance, un progrès plus sensible et plus beau, vers l’expression architecturale et plastique de l’Idée, que celui que nous avons vu sortir, au XVIe siècle, de l’art imposé par les artistes italiens à la France, à l’Allemagne, à toute l’Europe occidentale, en un mot. Je crois profondément qu’il y a là une erreur ou un malentendu. Outre qu’il me paraît prouvé, par toutes les analogies que présente l’histoire, qu’on ne saurait empêcher, ni créer un mouvement d’art avec des mots ou avec des regrets, j’estime qu’il eût été impossible, à ce moment précis du XVe siècle finissant, où l’Italie, en avance sur les autres pays de près d’un siècle, retourne visiblement aux traditions toujours regrettées de son origine antique, de poursuivre plus loin l’épanouissement gothique, mourant de beauté si l’on veut, mais de trop psychique et de très intraduisible beauté. Et si cela est incontestable pour l’Italie, qui n’a jamais fait que du très médiocre gothique, encore que les meilleurs monumens italiens de ce style aient été construits par des architectes allemands, on le peut appliquer aussi à la France, dont le génie clair et mesuré devait historiquement échapper à toute exagération mystique, aussi bien dans l’art de construire que dans l’art de penser. Or, si le style gothique a été admirable comme expression d’une époque de grand mysticisme, mais encore avec des moyens moins purs, sinon moins étonnans, et sincères, et touchans, il ne pouvait logiquement durer un