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et à cette promiscuité, Mlle Chiron offre aux institutrices sans place un asile temporaire dans cette petite maison discrète. Elles y sont reçues sans conditions, si elles sont déjà connues de Mlle Chiron, ou moyennant le dépôt d’une somme de trente francs, si elles se présentent pour la première fois. Elles y sont hospitalisées jusqu’à ce qu’elles aient trouvé une place que, par ses relations personnelles, Mlle Chiron est souvent en mesure de leur procurer. Lorsqu’elles sortent de la maison, par un procédé ingénieux et qui sert à couvrir les frais de l’œuvre, on leur fait reconnaître par écrit la dette qu’elles ont contractée, sur le pied de trois francs par journée de séjour, ce qui est assurément modique. Mais cette dette est purement d’honneur. Celles qui l’ont reconnue l’acquittent quand et comme elles veulent. Il est rare, cependant, qu’avec le temps, la dette ne soit pas entièrement remboursée. Enfin, le lien d’une sorte de société de secours mutuels dont les membres sociétaires paient deux francs, et les membres d’honneur quarante francs, continue de rattacher à la maison hospitalière ses anciennes pensionnaires, et leur donne le droit de venir y passer les quelques heures qu’elles peuvent avoir de libres, dans la semaine ou le dimanche.

C’est là une œuvre excellente, ou plutôt l’embryon d’une œuvre excellente. Une chose, en effet, en a, jusqu’à ce jour, paralysé le développement : l’exiguïté des ressources. Le dernier budget de la société s’établit d’une façon bien simple : Dépenses 7 460 francs. Recettes 3 569. Déficit 3891. On espère pourvoir à ce déficit et à celui de l’année courante au moyen d’une loterie. En attendant, comment est-il fait face aux dépenses ? Si j’avais pressé Mlle Chiron, je l’aurais, je crois, forcée de convenir que l’œuvre vivait presque exclusivement à ses frais. La conséquence de cette situation difficile, c’est que la maison n’a jamais reçu plus de sept pensionnaires à la fois, tandis qu’elle en pourrait contenir douze. La charité, qui à Paris se montre parfois si aveuglément prodigue, laissera-t-elle végéter et tomber peut-être une œuvre qu’il faudrait au contraire encourager et agrandir ? Je veux espérer que non, et laisser le dernier mot à ce touchant appel de Mlle Chiron : « L’enfant abandonné a sa crèche, le vieillard a son hospice, l’oiseau du ciel son nid, et l’institutrice orpheline n’a pas où reposer sa tête. »

Offrir à ces non-classées ou à ces déclassées un asile et une assistance temporaire est bien. Leur procurer un emploi et, pour