accepté des fonctions publiques ou signé l’Acte additionnel. Depuis cette époque, la clémence royale s’était exercée au profit de quelques-uns de ces exilés. Cinquante-cinq régicides avaient été autorisés à résider en France à raison de leur âge ou de leurs infirmités ; plusieurs des bannis de la première catégorie avaient bénéficié de la même faveur. Mais beaucoup d’autres en attendaient encore les effets. Trompée par Les avances que lui faisait le cabinet Dessoles, la gauche crut qu’il lui serait aisé d’obtenir leur rappel. Elle manifesta le dessein d’en faire une des conditions de son concours. Tout naturellement, la droite s’inquiéta de ces prétentions. Sans attendre que le gouvernement eût parlé, les journaux dont elle disposait firent campagne contre l’amnistie générale, que les libéraux réclamaient et qu’ils considéraient comme la conséquence logique de la politique adoptée par le cabinet.
Livré à lui-même, peut-être le cabinet leur eût-il donné satisfaction. Il eût tiré d’un acte de clémence autant de force que de popularité ; du moins le lui disait-on. Mais il était obligé de tenir compte du sentiment personnel du Roi et, toujours disposé à des actes de bonté personnelle qu’il subordonnait à la conduite de ceux qui les sollicitaient, le Roi répugnait à une mesure générale, surtout au profit des régicides. Il y répugnait pour lui-même et pour sa famille. Il savait qu’elle aurait profondément blessé sa nièce, la Duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI. La gauche eut bientôt compris qu’elle n’obtiendrait une amnistie entière et complète qu’autant qu’elle ferait violence aux dispositions de Louis XVIII. Si périlleuse, si maladroite même que fût cette tentative, elle n’hésita pas à y recourir. Elle organisa par tout le pays un vaste pétitionnement. De toutes parts, arrivèrent à la Chambre des députés des pétitions, sur lesquelles celle-ci dut se prononcer. De Serre, qui porta presque seul le poids de ce débat, n’eut aucune peine à démontrer ce qu’il y avait de factice et d’organisé dans ces manifestations. Mais, entraîné par ses sentimens royalistes et ses haines d’émigré contre la Révolution, il oublia ce que lui commandait l’attitude qu’il avait prise depuis son entrée au ministère. Il prononça une de ces paroles qui, dans la bouche d’un homme au pouvoir, ne peuvent être interprétées que comme le point de départ d’un changement de politique. « A l’égard des individus temporairement exilés, dit-il, confiance entière dans la justice et la bonté du Roi. A l’égard des régicides, jamais. » La