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l’entoure. » Ils se flattent de gagner à leurs desseins les princes d’Allemagne et le chef de l’Empire. C’est le baron de Breteuil qui conduit cette dangereuse campagne. Point d’accommodement, voilà la devise des vrais royalistes. Si les monarchiens mitigés l’emportent, tout sera bouleversé, clergé, noblesse, religion. La cour, qui voudra s’emparer de la Chambre haute, créerai cet effet une nouvelle noblesse, de nouveaux pairs, et personne ne parlera de faire des restitutions au clergé, à jamais dépouillé de ses biens, de ses monastères, de ses églises, de ses maisons canoniales, de ses cloches : « Il est bien vraisemblable que les évêques reprendront leurs sièges, mais vous en verrez diminuer le nombre, et la presque totalité des moines et des bénéfices simples seront anéantis, et les biens resteront vendus. » Puissent les faux royalistes échouer dans leurs déplorables machinations ! Il y va du salut de la France : le seul remède aux maux dont elle souffre est de restaurer en bloc l’ancien régime, « sauf à en corriger les abus. »

Il a peu de sympathie pour la reine, qu’il appelle d’habitude « la grande Dame ». Il parle d’elle avec aigreur et animosité, il dénonce ses menées occultes, funestes à la bonne cause. Imbue des idées monarchiennes et des principes joséphistes, elle éprouve une invincible répugnance pour la noblesse, pour les parlemens, pour le clergé tel qu’il était constitué avant la Révolution. Elle attend son salut d’un retour de l’opinion, qui rendra possible les réformes qu’elle médite, et elle s’est convertie au système des deux Chambres. Elle peuplera de ses créatures la Chambre haute, et c’est elle qui gouvernera. Aussi les vrais royalistes, les émigrés, les princes lui sont-ils odieux ; elle combat sourdement leurs entreprises. « Belle campagne, pour le roi, a-t-elle dit un jour, que celle qu’il ferait avec les émigrés ! » Mais quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, Monsieur et le comte d’Artois auront le dernier mot, et malgré les habitans du château, « ces princes magnanimes sauveront la religion et tireront la France de l’abîme. » Quand ils rentreront vainqueurs à Paris, tout sera remis à sa place ; « nombre de constituans porteront leur tête sur l’échafaud, les monarchiens seront livrés au mépris et à l’ignominie, » et on rétablira « les choses en entier comme elles étaient avant 1789. » Pourtant, quoique porté à l’optimisme, il y avait des heures où l’abbé broyait du noir ; tous les esprits lui semblaient renversés, tout allait de mal en pis. Qu’attendre de souverains qui avaient souffert « que l’intrigante de Staël menât avec empire un ministre Linotte ? » Pouvait-on présumer que de pareilles têtes sortît un plan raisonnable et juste ? « S’il y a eu quelque