Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/863

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une hélice dont la rotation chasse l’eau de bas en haut, et celle-ci s’échappe par des fentes latérales que les œufs, retenus par un grillage, ne peuvent franchir.

Cette première année fut surtout consacrée à des essais. On ne savait rien, en effet, sur les conditions requises pour l’éclosion : on ne savait rien, en particulier, sur la température la plus favorable à celle-ci. L’observation montra que, pour la morue comme pour les autres espèces, la rapidité de l’éclosion est, dans certaines limites, en rapport avec la chaleur de l’eau. A 0°, il faut 50 jours pour obtenir des alevins : à 7° centigrades, il en faut 13 seulement.

Quarante-trois femelles fournirent 9 250 000 œufs : c’était peu, car la morue est très prolifique. Mais il faut remarquer que, dans aucun cas, on ne recueillit tous les œufs : ceux-ci mûrissent successivement, et chaque traite — s’il est permis d’employer ce mot — ne fournit que les œufs actuellement mûrs. On en perdit donc beaucoup à laisser aller les morues après une seule traite, au lieu de les conserver pour recommencer quelques jours plus tard. Ces œufs donnèrent 1 500 000 alevins, ce qui représente une proportion très faible. Mais il s’était beaucoup perdu d’œufs en raison de l’imperfection des premiers appareils, et aussi de l’impureté de l’eau de mer, puisée dans le port même.

L’expérience ne fut point perdue. On apprit aussi, par les essais de cette première année, que les viviers flottans où l’on conservait les poissons non encore mûrs pour l’œuvre reproductrice, et sur lesquels on avait fondé de grandes espérances, sont de médiocre valeur. Tant qu’il fit beau, tout alla bien : mais quand vinrent les rigueurs de l’hiver, on vit les dangers de ces viviers : les morues y périrent en foule, et à l’autopsie on leur trouva le ventre plein de glaçons ; d’où la conclusion qu’il fallait renoncer aux viviers, ou bien se servir, en hiver, de viviers immergés, la température, à quelques mètres de profondeur, ne s’abaissant jamais autant que celle de l’eau superficielle.

Pour en finir avec les 1 500 000 alevins, je dirai qu’ils furent, après quelques jours, jetés à la mer, pour y chercher leur existence. Sans doute, il en existe encore, qui, devenus adultes, errent à l’heure présente le long de la côte, broutant les prairies sous-marines, tandis que d’autres, qui ont connu la vie grâce aux soins de l’homme, ont, par les soins de l’homme encore, connu le