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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 148.djvu/933

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REVUE LITTÉRAIRE

LA MANIE DE LA MODERNITÉ

Il faut être de son temps. Tout le monde en convient. Le moyen de dire le contraire sans nier le progrès ! Et le moyen de nier le progrès dans le siècle des chemins de fer et de la télégraphie sans fils ! Les anciens sont les anciens ; ils ont pu avoir toute sorte de qualités, mais ils sont morts ; ils ont ignoré beaucoup de choses que nous savons ; ce n’était pas leur faute ; on ne choisit pas la date de sa naissance, et il est difficile de leur en vouloir. Ceux qui, à l’heure qu’il est, voudraient encore se mettre à leur école et nous y tenir avec eux font preuve d’une timidité presque coupable, et ils devraient en avoir un peu de honte. Ce sont des esprits routiniers, incapables de dépasser les enseignemens reçus et de secouer le joug qu’a subi leur enfance. Ils se consument dans une contemplation vaine, en de stériles regrets. Si encore ils n’étaient que des esprits faibles ! Mais il faut bien le dire : dans leur prétendu respect du passé il entre beaucoup d’hostilité contre le présent. Ils boudent leurs contemporains ; ils sont d’humeur chagrine et de caractère jaloux. Ce sont des envieux sur lesquels pèse une juste défaveur. Transportées dans le milieu d’aujourd’hui les idées d’autrefois y sont choquantes, à la manière d’un anachronisme, et ridicules par essence, puisqu’elles ne ressemblent pas à ce qui les entoure. Au contraire il y a dans tout ce qui est moderne je ne sais quoi de vif, de hardi, de généreux. La modernité nous séduit aussitôt, par un charme qui est en elle et qui vient de la secrète conformité avec nos goûts. Dire d’une idéo, d’une nuance