maître dirigeant, bien qu’il ne présidât pas le Conseil. Le Roi ne voyait, n’entendait, n’agissait que par lui. « M. Decazes, en ce temps-là, a véritablement régné sur la France », dit le chancelier Pasquier dans ses Mémoires. Il n’est donc pas étonnant que Decazes fût devenu, plus encore que par le passé, le point de mire des libéraux, qui comptaient sur son aide pour s’emparer du pouvoir, et la bête noire des ultra-royalistes qui le rendaient responsable de leurs échecs et de leurs déboires. On a déjà pu se rendre compte de ce qu’il y avait d’injuste dans l’aversion de ceux-ci et de peu fondé dans les espérances de ceux-là. Decazes était, au plus haut degré, un homme de juste milieu : il voulait tenir la balance égale entre la droite et la gauche ; gouverner non avec les factions, mais avec les centres. L’attitude des partis et les événemens qu’il prévoyait firent malheureusement avorter ce dessein. Vers le milieu de février, quelques semaines après l’entrée en scène du cabinet Dessoles, les ultra-royalistes, dans les deux Chambres, avaient dressé leurs batteries et ouvraient les hostilités contre lui. A la Chambre des députés, ils étaient contenus par la masse imposante des ministériels du centre, dont la gauche, en de fréquentes occasions, venait grossir le nombre. Mais, à la Chambre des Pairs, ils formaient une majorité, qui, dès l’ouverture de la session, trahissait son dessein de faire au cabinet une opposition systématique.
Ce fut d’abord une proposition du marquis de Barthélémy, le Barthélémy de la paix de Bâle, rallié aux Bourbons en 1814 aprés avoir servi l’Empire, et devenu plus royaliste que le Roi. Elle avait pour objet d’inciter les pairs « à supplier le Roi de modifier l’organisation des collèges électoraux ». Le cabinet n’était pas réfractaire à l’idée d’une réforme électorale. Mais il entendait en prendre seul l’initiative à son jour et à son heure. Prise par les ultras, cette initiative constituait une déclaration de guerre. On ne pouvait l’interpréter autrement, alors qu’elle émanait de la réunion Bausset, formée à l’instigation de Molé vers la fin du ministère Richelieu, pour obliger le Roi à gouverner avec la droite. Soutenu par le parti libéral, le cabinet Dessoles combattit cette motion, inoffensive en apparence, en réalité chef-d’œuvre de perfidie. Elle n’en fut pas moins adoptée par la Chambre des Pairs, à une majorité de quatre-vingt-quatorze voix contre soixante. Elle devait échouer plus tard devant la Chambre des députés, mais non sans y réveiller l’esprit réactionnaire dont