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J’ai dit, dans un précédent article[1], comment ce fut au milieu du mois d’octobre 1890 que j’arrivai à Och, la ville la plus orientale du Feiganah, avec l’intention de traverser l’Alaï, pour me rendre dans le Turkestan Chinois.

Ce trajet, qui aurait pu être une véritable partie de plaisir en été, bien que l’altitude dût toujours le rendre assez pénible, devenait en hiver particulièrement dur. C’était une rude corvée, sans compensation d’agrémens d’aucune sorte, comme me l’avait fort judicieusement fait observer à Marghelan, capitale actuelle du Ferganah devenu russe, l’excellent général Medientsky, alors sous-gouverneur de la province, tout en mettant à ma disposition, avec une bienveillance et une bonne grâce vraiment extrêmes, toute l’aide dont je pouvais avoir besoin.

A Och, j’avais trouvé dans le commandant du district, le colonel Deibner, un hôte aussi affable et aussi complaisant qu’autorisé. Des ordres avaient été donnés par lui à tous les chefs indigènes qui se trouvaient sur ma route, jusqu’à la frontière chinoise, pour me faciliter, dans toute la mesure du possible, le voyage. Pour ne pas tomber dans des digressions pédantesques et hors de propos, du but de ce voyage je ne dirai rien, sinon qu’il était d’ordre exclusivement scientifique. Après avoir étudié dans le Turkestan russe diverses questions se rattachant à la géographie, à la colonisation, à l’archéologie, à l’histoire ou aux sciences naturelles, j’étais conduit à entreprendre, dans une saison peu propice, la pénible traversée des montagnes, pour aller chercher des points de comparaison ou des complémens d’informations dans le Turkestan chinois. Les observations principales que je voulais faire se rattachaient à la physique pure, et ce serait, à coup sûr, ennuyer mes lecteurs au-delà des limites permises, que de leur en exposer ici le plan et l’objet. Je dirai seulement qu’entre autres choses je voulais, par des observations, météorologiques et autres, appliquées aux déserts qui s’étendent dans la partie extrême de l’Empire Chinois, sur le versant sud-est des Monts Célestes, compléter les études faites par moi pendant les années précédentes dans les déserts de l’Afrique et dans ceux d’autres parties de l’Asie et contrôler ainsi certaines lois de physique géographique que j’avais été conduit à entrevoir ou à présumer[2].

  1. Voyez la Revue du 1er juin 1895 ; A travers la Transoxiane.
  2. Comptes rendus du Congrès de l’Association française pour l’avancement des sciences. Le Dessèchement du Sahara et l’avenir des Oasis ; Paris, 1889.