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Bil-Baktchi-Khan, après avoir eu le dessous à Kokan contre Koudaïar-Khan, en 18G5, se réfugia dans le Turkestan Chinois, emmenant avec lui 30 pièces d’artillerie de gros calibre et 7 000 cavaliers.

Entre les cols de Taldyk et de Chart, les petits cols secondaires de Kohi-Djouli, d’Artcha-Davan, de Kalmagatchou, sont de moindre importance et nous ne les citons que pour mémoire. A l’est du col de Chart, la crête de l’Alaï se relève et devient à peu près infranchissable, sauf au col de Terek-Davan, qui constitue la route la plus courte pour se rendre du Turkestan russe dans le Turkestan chinois. Mais, si ce chemin est le plus court, il n’est pas le plus aisé. Il est pourtant le plus fréquenté par les indigènes quand ils veulent aller vite, et en hiver c’est souvent le seul praticable, car la neige ne s’y accumule jamais en grande quantité.

Peut-être pourrait-on citer une autre route encore plus directe : c’est le col de la Biélé-Ouli, situé à 20 kilomètres plus au nord, aux sources de la rivière du même nom. Mais ce col, haut de 15 000 pieds, n’est jamais pratiqué comme moyen de communication commerciale et nous ne le mentionnons qu’à titre de renseignement géographique. Il sert aux chasseurs et aux bergers isolés.

Elle n’est pas gaie la traversée de l’Alaï, pendant la saison d’hiver. Les inconvéniens en ont été déjà décrits, pour les lecteurs français, par les explorateurs les plus autorisés, dans des termes auxquels nous n’avons rien à changer. Bonvalot, qui l’a faite, non pas à l’automne, mais au mois de mars, à peu près par la même température que celle que nous avions à affronter, s’exprime ainsi, en rendant compte des péripéties de cette opération[1] :

« Nous avançons tantôt de vingt mètres par minute, tantôt de dix : parfois, sur une crête, de soixante mètres. Très souvent nous sommes contraints de faire halte. Personne n’en peut plus, tous sont sans souffle, sans force, presque complètement aveuglés. Nous avons des maux de tête, des suffocations : tel est étendu sur le dos, à côté de son cheval sur le flanc ; un autre se repose debout, la tête appuyée sur la selle ; celui-ci, en retard, frappe à coups de fouet le pauvre animal, à la queue duquel il se cramponne comme un noyé à une amarre. On en voit qui saignent du

  1. Cf. G. Bonvalot, Du Caucase aux Indes à travers le Pamir, 1 vol. Paris, Plon, 1889.