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JEANNE LA FOLLE

DERNIÈRE PARTIE[1]


I

La mort de Philippe le Beau laissait la Castille sans gouvernement. Jeanne se renfermait dans une solitude farouche : elle s’éloignait d’ailleurs, peu après, à la suite du cercueil de son époux. Le roi d’Aragon était à Naples et n’entendait point reparaître avant d’être rappelé. Les Cortès ne pouvaient être réunies que par convocation du souverain, et il n’y avait qu’une reine nominale décidée à ne signer aucun acte officiel. Les Grands étaient désemparés ; les villes, livrées aux querelles des hommes d’armes et aux rivalités des seigneurs, ne représentaient que des droits locaux, et la politique générale échappait à leur initiative ; les masses populaires, complètement désorientées, embarrassaient la cause publique de leurs violences ignorantes. Les conseillers flamands de l’archiduc, dépourvus désormais d’autorité, se berçaient d’impuissantes chimères : les uns prétendaient faire proclamer le jeune don Carlos sous la régence de l’empereur d’Allemagne, lequel était trop prudent pour courir une aussi lointaine aventure ; les autres songeaient à offrir au moins temporairement la couronne au roi de Portugal ou au roi de Navarre. Le trouble était profond dans tous les esprits.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre.