il faut s’enfermer tout entier, comme une lettre mise sous enveloppe. Peau rouge ou peau blanche, l’aspect des hommes sous les frimas polaires est à peu près celui des ours et l’on s’y est parfois trompé : ours mal léchés, pour la plupart, que ces Indiens ou ces Yankees qui ne répondent même pas et volontiers se fâcheraient quand l’étranger qu’ils croisent en plein désert se permet de leur souhaiter le bonjour.
Les provisions de bouche elles-mêmes doivent être habillées d’une manière très particulière pour ne pas s’avarier avant l’heure. Songez qu’il en faut prendre pour toute une année. Dans des sacoches imperméables et dans des boîtes de métal se juxtaposent savamment le biscuit de mer, la farine, la levure, le lard, le bœuf conservé, les légumes et les fruits séchés (pommes de terre, haricots, oignons, pommes, pêches, pruneaux sans noyaux, groseilles…), le riz, le sucre cristallisé, le sel, le beurre salé, les fromages, les pâtes, le chocolat, le café, le thé, le lait condensé, etc. Qu’on y joigne une boîte de chandelles, quelques barres de savon, du tabac si l’on fume ; et voilà un second assortiment plus lourd encore que le premier.
Passons au rayon des articles et ustensiles divers. L’énumération de tout ce qu’il y faut acheter ne laisse pas que d’être suggestive : une tente de grosse toile, un traîneau, une boussole, un poêle démontable et son tuyau ; toute une batterie de cuisine, des boîtes d’allumettes en fer-blanc, des couteaux de types variés ; un revolver et un fusil avec force cartouches ; une moufle avec son câble, une courroie à paqueter et deux ou trois cents pieds de corde de manille ; des engins de pêche ; un ciseau de calfat et de l’étoupe, une petite bouée de sauvetage ; des raquettes pour marcher sur la neige, comme les trappeurs ; des paires de lunettes à verres de couleur, de l’insecticide ; une hache, une hachette, des scies, des lanières, des ciseaux en acier, des marteaux et vingt livres de clous, un pic de prospecteur, un bon pic de mineur et une forte pelle, des coins d’acier, de longs ciseaux de mine ; un mortier et un pilon, une écuelle à laver le minerai, une loupe, quelques kilogrammes de mercure ; une balance à or, et que sais-je ? Tout cela représente une grosse dépense et un énorme poids.
N’oublions pas non plus la pharmacie : pilules et tablettes, emplâtres et linimens, élixirs et purgatifs, éther, iode, borax, laudanum, perchlorure de fer, sirop de chaux, acide citrique, arnica, glycérine, sparadrap, charpie, coton