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Pour ceux, d’ailleurs, que retiendra ou qu’appellera encore au Yukon une vraie vocation, les conditions de la vie finiront par se modifier. Le climat polaire ne s’adoucira point ; mais les communications deviendront moins pénibles et cela seul sera un inappréciable bienfait. Lorsqu’on pourra effectuer sûrement, on quelques jours et pour quelques centaines de francs, le voyage qui fait aujourd’hui perdre tant de temps, dépenser tant d’argent, courir tant de dangers ; lorsqu’il y aura quelques chemins de fer dans les plaines, quelques bateaux à vapeur sur les lacs, quelques routes dans les montagnes et partout des fils télégraphiques, la libre circulation des hommes et des choses rendra à la loi de l’offre et de la demande toute l’élasticité voulue[1]. Le service des approvisionnemens s’organisera et les prix se modéreront. Par cela même les salariés, tout en se montrant moins exigeans, se trouveront plus satisfaits. L’outillage aussi se perfectionnera et les procédés mécaniques se développeront au grand profit de l’industrie minière. Peut-être aura-t-on vidé alors les filons exceptionnels des Eldorado et des Bonanza ; mais il s’en sera révélé d’autres. Déjà l’Indian River et la Stewart River s’annoncent comme devant rivaliser, jusqu’à un certain point, avec leur voisin le Klondyke. Et que de solitudes inexplorées n’ont pas encore dit leur secret !

Aussi bien, tout abaissement des prix de revient équivaut pour l’exploitant à une augmentation de la richesse des minerais, et tels sables à faible teneur d’or, qui actuellement ne feraient pas leurs frais, paraîtront bons à traiter lorsque la main-d’œuvre sera devenue moins onéreuse, les modes d’extraction moins imparfaits. Et après les sables, ce seront les quartz eux-mêmes qu’on attaquera, malgré leur dureté, s’il vient un temps où les circonstances permettent de doter l’Alaska, comme la Californie et le Transvaal, de véritables usines métallurgiques. Enfin, il y a lieu d’admettre que l’or ne restera point, avec les peaux de bêtes, l’unique production de la grande presqu’île septentrionale. Il est incontestable que la variété de ses aspects et de ses ressources en ferait, à toute autre latitude, une terre privilégiée. L’un

  1. L’acclimatation et la multiplication du renne serait déjà chose très avantageuse, à cause de l’extrême sobriété de cet animal. Les premières tentatives n’ont pas été heureuses ; mais c’est un exemple encourageant que celui de la Sibérie où, non seulement le renne, mais aussi le chameau deviennent aujourd’hui, pour l’industrie minière, d’utiles collaborateurs.