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des hommes qui la connaissent le mieux, le capitaine Healey, parle de son sous-sol comme d’un vrai musée minéralogique et y dénonce d’incomparables réserves de cuivre, de plomb, de zinc, d’antimoine, d’asbeste, de charbon, etc. Même au règne végétal on pourra faire payer tribut. Les petits fruits abondent : groseille, cassis, framboise, genièvre, etc. La pomme de terre réussit quand la semence a été suffisamment protégée contre la gelée. Avec des précautions analogues on obtient des choux, des choux-fleurs, des salades. Les racines alimentaires prospèrent d’un bout à l’autre du Yukon. Dans les parties plates du bassin, des millions d’acres sont à l’état de prairies naturelles et l’on y retrouve, entre autres graminées, une herbe bleue du Kentucky dont le bétail est très friand. Si les animaux pouvaient être efficacement protégés contre les sévices de l’hiver, ces pâturages auraient de quoi nourrir tous les troupeaux qui y seraient amenés. Voilà, dira-t-on peut-être, d’assez hypothétiques promesses. Soit ; mais, même en soupçonnant quelque optimisme dans les témoignages sur lesquels elles s’appuient, on ne saurait leur refuser toute créance. Le Yukon n’est déjà plus pour l’homme une quantité négligeable et tout autorise à penser que, peu à peu, nos descendans verront s’ajouter, là-haut, comme un petit étage de plus au glorieux édifice des civilisations interocéaniques.

Et au point de vue de l’or, que sera l’avenir ? Le chiffre des résultats annuels, dans cette partie du globe, passera-t-il de 50 millions de francs à 100 ou à 150 ? Nous tenons à nous interdire toute prédiction téméraire ; mais, en tout cas, il existe là dès à présent une source de production nouvelle, source abondante, source durable ; et, par une coïncidence caractéristique, elle commence à couler au moment où, dans le reste du monde, l’or tend déjà à se vulgariser. Qu’on ne voie point ici une allusion aux assertions de ces mystérieux docteurs qui, chimistes ou alchimistes, se flattent de puiser l’or dans l’eau de la mer aussi aisément que le sel ou de commuer l’argent en or par de simples manipulations de laboratoire. L’or qu’ils exhibent est bien de l’or ; mais comme ils ne veulent opérer qu’à huis clos, le moment ne paraît pas venu de prendre au sérieux ces arcanes. Ce qui est sérieux et certain, c’est que partout, en Amérique, en Afrique, en Asie, en Australie, la croûte terrestre livre de plus en plus d’or à ceux qui la tourmentent pour en avoir. La statistique enseigne que la production totale du métal jaune correspondait par