pouvait détacher des groupes de figures les uns sur les autres, car le relief ne s’exprime pas sans ombres violentes, surtout le relief sur relief. Il ne pouvait les échelonner dans le sens de la profondeur. Donc pas de grappes humaines, pas de figures qui éloignées par les plans se touchent par leurs contours, mais des personnages échelonnés dans le sens horizontal, ou disséminés clairement sur des espaces aux trois quarts vides. Pas de plans se creusant et se rejoignant, mais des pans coupés très visibles allant d’un bout de la toile à l’autre. Une suite de stries horizontales dont chacune indique une profondeur égale partout. Hésitante dans ses premières œuvres : le Travail, la Paix, cette méthode se dégage dans les suivantes : le Bois sacré, s’affirme dans le Ludus pro Patria et dans la Sorbonne. C’est lui qui l’a créée.
En même temps, son paysage atteint la poésie par le sentiment du mystère. Il le donne en supprimant le plus possible du ciel, procédé préraphaélite, et en élevant très haut sa ligne d’horizon, procédé moderniste. Quand on tracera l’évolution du paysage depuis Van de Velde, par exemple, on verra qu’elle s’est faite toujours dans le sens de l’élévation de la ligne d’horizon, et par conséquent par la diminution ou la suppression du ciel. Puvis de Chavannes en fournit un exemple. De plus, il supprime le haut ou le bas des arbres, le commencement ou la fin des choses, ce qui fortifie le sens du mystère. Il donne l’idée de la symétrie et de l’ordre par des alignemens de troncs semblables, de même diamètre, sur le même rang. Les hautes futaies sont régulières et discrètement ornementales. Il donne l’idée de la vie facile et douce. Ses paysages tiennent ou du jardin ou de la plaine fertile. Il n’a pas de nature rebelle. A l’horizon, les bois ou les vallons s’étendent longuement, selon les lignes lentes, muettes et endormies de nos paysages du Nord. Il mêle avec une hardiesse naïve et une finesse rustique des impressions fort diverses. Ainsi, — chose très remarquable, — ses derniers plans sont modernistes et ses premiers plans sont primitifs. Tandis qu’il masse les masses, au loin, il détaille le détail, sous nos yeux : il découpe les unes après les autres des petites fleurs, des genêts, un brin de laurier. Jamais ses arbres n’ont de plans différens. Il esquive les difficultés du feuillage, soit en le massant tout d’un bloc comme dans l’Été, soit en dessinant chaque feuille l’une après l’autre, à la façon des primitifs, comme dans le Bois Sacré ou la Sorbonne. Ainsi il ne met en grappes ni les feuilles, ni les figures. Chaque