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la veille, 29 juin, dans ce même local, et l’aspect d’ensemble était rendu beaucoup plus riant par la prédominance des jolies figures, des jolies toilettes. Les graduées, à qui la toge et le bonnet carré prêtaient un petit air très coquet de travestissement, entrèrent les premières, à la suite de leur présidente Mme Agassiz, la veuve du grand naturaliste, sa collaboratrice pour le Voyage au Brésil, et de miss Agnès Irwin, la doyenne (dean) de Radcliffe, l’une des personnes qui donnent l’impulsion la plus sage et la plus forte aux progrès de l’éducation des filles. Le comité des dames directrices ; M. Arthur Gilman qui se dévoua si activement à la formation du collège dont il est le régent, et les représentans officiels de l’Université de Harvard, prennent place aussi sur l’estrade où les blanches toilettes de ce qu’on me dit être le Glee Club, le Club de la Joie, apportent une note brillante et gaie.

Le doyen de la faculté de théologie prononce la prière d’usage, puis les gracieuses personnes, au nombre de quarante, en qui s’incarne si bien la Joie, chantent la 10e ode du second livre d’Horace, Rectius vives, Licini…, à la louange de la médiocrité. Mme Agassiz très imposante, en velours noir, s’approche alors d’une petite table qui porte une rose rouge et une rose blanche, les couleurs de Harvard et de Radcliffe. Sans la moindre pédanterie, comme elle parlerait dans son salon, elle passe en revue l’œuvre accomplie pendant l’année. On sait comment s’est fondée cette université féminine, sortie tout naturellement de sa grande sœur aînée. Il a fallu deux siècles pour que l’on reconnût que les jeunes filles avaient autant de droits que leurs frères à d’excellens professeurs et à une admirable bibliothèque. Cependant la co-éducation qui réussissait dans l’Ouest n’obtenait pas les suffrages des Bostoniens très européanisés sous beaucoup de rapports. L’idée vint à de bons esprits de réunir deux collèges distincts sous les auspices d’une même faculté ; on la mûrit, on la discuta longtemps, cette excellente idée, car en 1878 seulement elle se réalisa ; même l’incorporation proprement dite n’eut lieu qu’en 1894, après dix-sept années de succès soutenus.

Depuis lors le président et les agrégés de l’université de Harvard, qui déjà patronnaient l’Annexe, sont devenus responsables des diplômes accordés aux étudiantes. Celles-ci, sans être assises sur les mêmes bancs que les étudians, ont part dans une large mesure aux mêmes privilèges. Un groupe de dames,