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amitiés dont l’Angleterre dispose. Il y a d’abord les États-Unis : tout le monde sait que, pour le moment, les relations des deux pays vont jusqu’à l’intimité la plus étroite. On le dit beaucoup en Angleterre, on le dit un peu moins en Amérique, mais on s’en montre flatté. Admettons que la réciprocité des sentimens que se portent l’Angleterre et les États-Unis soit durable ; en quoi aurions-nous à nous en alarmer ? M. Chamberlain continue, en se tournant du côté de l’Orient : « Je crois, dit-il, qu’un accord avec la Russie est désirable et même nécessaire, si nous ne voulons pas arriver à de grandes complications. La difficulté n’est pas insurmontable. » Et M. Chamberlain poursuit son raisonnement comme si elle était déjà surmontée. Peut-être est-ce aller un peu vite en besogne. Mais, à supposer que l’entente anglo-russe se réalise en Extrême-Orient, nous n’en serions pas fâchés pour la Russie et nous n’aurions aucun motif d’en prendre ombrage. Nous avons également des rapports avec la Russie, et nous ne croyons pas qu’ils soient appelés à souffrir d’un rapprochement éventuel qui s’opérerait entre Saint-Pétersbourg et Londres sur un sujet déterminé. Et pourquoi n’en dirions-nous pas autant de l’Allemagne ? M. Chamberlain, qui propose son amitié à tout le monde, sauf à nous, ne manque pas de l’offrir à une aussi grande puissance que l’empire allemand, et, en l’offrant, il la fait valoir. « L’amitié de l’Angleterre, dit-il, dans l’état actuel, est une chose précieuse. » Sans doute, bien que tout dépende des conditions où on l’obtient. M. Chamberlain expose que, dans ces derniers temps, l’Angleterre et l’Allemagne ont échangé leurs vues sur un certain nombre de questions, et qu’elles ont constaté que leurs intérêts n’étaient en opposition sur aucune. Soit ; mais M. Chamberlain fait beaucoup de bruit autour d’un incident assez ordinaire. Nous avons, nous aussi, échangé des vues et fait des arrangemens coloniaux avec l’Allemagne, et très vraisemblablement l’occasion s’en présentera encore. Dans l’expansion de notre politique d’outre-mer, si nous avons eu parfois des difficultés avec nos voisins de l’Ouest, nous n’en avons jamais eu avec nos voisins de l’Est. L’entente avec ces derniers a toujours été facile, et nous avons pu constater à plus d’une reprise que, bien loin d’être en conflit, nos intérêts pouvaient se combiner au point de se prêter un mutuel appui. Cela s’est vu en Afrique ; cela s’est vu en Asie où, trop récemment encore pour que M. Chamberlain l’ait oublié, la France, la Russie et l’Allemagne se sont trouvées d’accord en dehors de l’Angleterre. Ce sont là des faits usuels, surtout en un temps où la politique des grandes nations est devenue si complexe, et embrasse des territoires si divers et si éloignés les uns des autres, qu’il