Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discours sur le Plébiscite en 1870, qui est celui de tous ses ouvrages qu’il a évidemment le plus travaillé, est très rameurquable à cet égard. Deux abstractions : le droit parlementaire, le droit populaire ; le sénatus-consulte, le plébiscite ; la volonté délibérée du parlement, la volonté instinctive du peuple. Ces deux abstractions, les analyser, les ouvrir, montrer ce qu’elles contiennent, en caractériser les élémens constitutifs et distinctifs : voilà la première affaire. Ces deux abstractions, ensuite, ne pas les opposer, ce qu’il n’était pas dans l’intérêt de la thèse de faire, mais s’ingénier à montrer qu’elles devraient se soutenir en se conciliant, et, en appuyant l’une sur l’autre, montrer que la seconde ne vaut que si la première vaut elle-même, et que la délibération, libre, réfléchie, prolongée, détaillée, entière et pleine dans les assemblées parlementaires, est la préparation indispensable d’un plébiscite, sans laquelle le plébiscite est un expédient, s’il n’est pas une fantasmagorie et un leurre : voilà la seconde affaire.

Tout le discours se meut ainsi, non sans force, non sans contrainte aussi et non sans gêne, dans ces abstractions, auxquelles le tort de l’orateur est de ne pas donner assez de vie ou tout au moins assez de lumière :


… Le pouvoir constituant sanctionnateur est dans le peuple et pas ailleurs... Mais il est de jurisprudence constante depuis la Révolution française que le peuple n’intervient qu’après délibérations, qu’après publicité dans les débats organiques et constitutionnels adoptés par l’Assemblée des représentans du pays… Alors, et seulement alors, vous avez réalisé la véritable procédure à l’aide de laquelle le plébiscite devient véritablement le principe, la sanction et la légitimité… S’il en est ainsi, est-ce que vous ne pouvez pas vous honorer, vous, pouvoir parlementaire, devant le suffrage universel, et puiser dans la nécessité actuelle cette force, cette virilité suffisante pour dire au governement : « Nous voulons, pour nous et nos successeurs, reprendre le droit inahénable de la nation d’élaborer directement et par elle-même le plébiscite… » Qu’est-ce que c’est qu’un plébiscite ? C’est un jugement, c’est un arrêt rendu, les parties contractantes entendues, par le peuple tenant ses assises. Est-ce que le bon sens, les règles ordinaires de la raisonne vont pas s’appUquer à cette hypothèse politique et sociale comme elles s’appliquent aux hypothèses du droit civil ordinaire? Est-ce que ce jugement pourra échapper lui-même à une procédure particulière, spéciale, tirée de la nature des choses et qui donnera l’assurance aux intéressés, c’est-à-dire à chacun de nous tous, que le droit sera respecté, qu’il n’y aura pas d’équivoque, de