Une fois pourtant, une seule fois, Plaute semble avoir éprouvé
pour une femme honnête, de naissance libre, qu’il a mise dans
une de ses pièces, une complète sympathie. Il s’agit d’Alcmène,
dans ce drame étrange d’Amphitryon, où tout est surprise pour
nous, où les dieux, après s’être oubliés dans toute sorte d’équipées comiques, retrouvent à la fin la majesté de leur attitude.
Alcmène aussi traverse des situations très risquées sans compromettre sa dignité de matrone. Elle aime son mari avec une tendresse inquiète, et en même temps elle a un grand souci de sa
gloire ; elle aime son pays jusqu’à lui faire, sans se plaindre, le
sacrifice de ses joies conjugales ; elle est douce, caressante, soumise, disposée à pardonner quelques rudesses d’Amphitryon ;
mais, quand elle se juge gravement outragée elle se relève, elle se
raidit, et, au lieu de se lamenter, elle demande bravement le divorce, avec les formules mêmes des jurisconsultes. L’Alcmène de
Molière est loin d’avoir, dans les mêmes circonstances, autant de
décision et de gravité. Après avoir paru plus coquette que tendre,
quand vient l’orage, elle est plus violente que ferme. Mais, après
tout, les deux poètes ont dépeint les femmes de leur pays et de
leur temps. On voit bien que celle que Plaute a représentée n’est
pas une de ces Grecques insignifiantes, dont Périclès disait : « que
leur gloire consiste à ne faire jamais parler d’elles ni en mal ni
en bien ; « c’est une matrone romaine, « unie indissolublement à
son mari pour la bonne et pour la mauvaise fortune, » et qui sait
qu’elle a droit à être respectée. Plaute, qui sans doute n’avait fait
que l’entrevoir, l’a peinte ici avec tant de grandeur et de charme
que nous ne pouvons nous empêcher de regretter qu’il n’ait pas
franchi plus souvent le seuil de cette maison, devant laquelle il
s’est trop respectueusement arrêté.
J’allais oublier un personnage qui, sans se mêler aux autres, sans prendre une part directe à l’action, y tient cependant une grande place : je veux parler du joueur de flûte. Il est là, dans un coin, à l’extrémité du pulpitum, près de la coulisse, et ne se repose que bien rarement jusqu’à la fin de la comédie. Non seulement il amuse les spectateurs pendant l’entr’acte, en leur jouant un petit air, et les empêche de s’en aller; mais, tant que dure la pièce, il est obligé, à chaque instant, de reprendre sa double flûte et