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agile et souple, que quelquefois, par une sorte d’illusion, le masque lui-même, ce masque grimaçant et immobile, semble prendre, suivant les situations, des expressions différentes. En somme, l’idée que ces dessins nous donnent des acteurs de ce temps, c’est que leur jeu devait être singulièrement vif et animé. On se remuait beaucoup sur les théâtres romains ; on y faisait volontiers de grands gestes, ce qui n’est pas pour déplaire à des spectateurs méridionaux. Ces bras, qu’on voit toujours dressés et tendus, ces mains ouvertes, « des mains qui parlent, manus argutae » comme on disait, annoncent que la pantomime va naître, et font prévoir l’accueil qu’elle recevra du public.

Il y avait alors, nous le savons, deux sortes de comédies, celles qui devaient être jouées avec plus de calme, et celles qui comportaient plus d’agitation, ou, pour les appeler par leur nom, les statariæ et les motoriæ. Si les pièces de Térence, qu’on rangeait parmi les statariæ, exigeaient des acteurs un jeu si désordonné, qu’on juge ce que devaient être celles de Plaute !

VII

J’ai essayé de montrer comment Plaute avait résolu le problème de se faire entendre, dans un vaste espace découvert, de spectateurs distraits et bruyans, qui, au fond, avaient peu de goût pour le spectacle qu’on leur offrait, et par quels moyens il était parvenu à s’imposer à leur attention. Il y a des critiques qui ont été fort étonnés qu’il y eût si pleinement réussi : et il faut bien avouer que la lecture de ses ouvrages, quand on les étudie avec soin, paraît quelquefois justifier leur surprise. On y voit assurément quelles sont les raisons qui l’ont rendu si populaire, mais il y en a d’autres aussi, qui, à ce qu’il semble, auraient dû l’empêcher de l’être. Il faut, avant de finir, se demander comment il se fait qu’elles n’aient pas nui davantage à ses succès.

Parmi les défauts de ses pièces, il y en a un que j’ai déjà signalé ; le sujet en est très peu varié et il semble qu’on aurait dû finir par se lasser de voir toujours reparaître sur la scène les mêmes personnages et les mêmes aventures. Mais c’est une erreur de croire que le gros public soit très friand de nouveautés ; elles le déconcertent plus qu’elles ne l’amusent. Il ressemble aux enfans qui veulent qu’on leur raconte toujours la même histoire et qui se fâchent quand on y change quelque chose. Il est remar-