avait obtenu déjà plus d’une garantie ; dans ce cas, la Russie croirait de son devoir de s’opposer à toute immixtion qui eût eu nécessairement pour effet un embrasement général et d’incommensurables calamités[1]. »
Toutefois ces motifs de temporisation perdaient chaque jour de leur force ; la mobilisation s’opérait mal, mais elle s’opérait, et, quand elle serait terminée, elle fournirait, en dehors de la landwehr, une excellente armée, commandée par des officiers d’élite ; chaque jour, il devenait certain que la Russie ne serait pas en état, le voulût-elle, d’appuyer ses conseils par des actes ; elle n’avait pas réussi à réaliser un emprunt de 300 millions, il s’en fallait de beaucoup qu’elle eût réparé ses plaies récentes ; enfin l’opposition du ministère anglais à une initiative prussienne paraissait conjurée.
Les meneurs de la Diète avaient mal reçu les conseils de modération de Malmesbury ; l’un des plus remuans, Beust, ministre de Saxe, s’était rendu à Londres pour obtenir mieux. Vite convaincu que, si le ministre sortait en quoi que ce fût de la plus stricte neutralité, il perdrait aussitôt son pouvoir précaire, il avait vu non moins clairement que, tant que l’agitation allemande paraîtrait dirigée contre la liberté italienne, elle ne trouverait aucune sympathie dans l’opinion anglaise ; qu’il fallait la transformer en une manifestation contre la tyrannie napoléonienne, détourner les regards du Mincio et les reporter sur le Rhin. Il se borna à demander que, sans sortir de la neutralité, le cabinet ne décourageât pas le déploiement de la Prusse. On le lui accorda. L’ambassadeur prussien à Londres, Bernstorff, fit savoir à Berlin que l’Angleterre verrait sans déplaisir et sans opposition une initiative plus décidée. La suggestion germa dans l’esprit du Régent : le lendemain de Magenta, il décrète la mobilisation de trois autres corps d’armée. Antoine de Hohenzollern l’annonce, le 8 juin à Roon, commandant de la 16e division à Dusseldorff, en termes significatifs : « Pour vous tout seul, cette importante nouvelle qui marquera notre entrée dans le développement historique du drame[2]. »