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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/351

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IV

La double préoccupation qui hantait l’esprit de l’Empereur se retrouve dans la proclamation que, de Milan, il adressa aux Italiens : « La fortune de la guerre me conduit aujourd’hui dans la capitale de la Lombardie ; je viens vous dire pourquoi j’y suis. Lorsque l’Autriche attaqua injustement le Piémont, je résolus de soutenir mon allié le roi de Sardaigne, l’honneur et les intérêts de la France m’en faisant un devoir. Vos ennemis, qui sont les miens, ont tenté de diminuer la sympathie universelle qu’il y avait en Europe pour votre cause, en faisant croire que je ne faisais la guerre que par ambition personnelle ou pour agrandir le territoire de la France. S’il y a des hommes qui ne comprennent pas leur époque, je ne suis pas du nombre. Dans l’état éclairé de l’opinion publique, on est plus grand aujourd’hui par l’influence morale qu’on exerce que par des conquêtes stériles, et cette influence morale, je la recherche avec orgueil en contribuant à rendre libre une des plus belles parties de l’Europe. Votre accueil m’a déjà prouvé que vous m’avez compris. Je ne viens pas ici avec un système préconçu pour déposséder les souverains ni pour vous imposer ma volonté ; mon armée ne s’occupera que de deux choses : combattre vos ennemis et maintenir l’ordre intérieur ; elle ne mettra aucun obstacle à la libre manifestation de vos vœux légitimes. La Providence favorise quelquefois les peuples comme les individus en leur donnant l’occasion de grandir tout à coup ; mais c’est à la condition qu’ils sachent en profiter. Profitez donc de la fortune qui s’offre à vous. Votre désir d’indépendance si longtemps exprimé, si longtemps déçu, se réalisera si vous vous en montrez dignes. Unissez-vous donc dans un seul but, l’affranchissement de votre pays. Organisez-vous militairement, volez sous les drapeaux du roi Victor-Emmanuel, qui vous a déjà si noblement montré la voie de l’honneur. Souvenez-vous que, sans discipline, il n’y a pas d’armée ; et, animés du feu sacré de la patrie, ne soyez aujourd’hui que soldats : demain, vous serez citoyens libres d’un grand pays. »

Cette proclamation s’adressait à l’hostilité des Allemands pour la conjurer, à la mollesse des Italiens pour l’exciter. Elle n’obtint de succès d’aucun côté : les Italiens ne se firent pas soldats[1] et les Allemands ne se calmèrent pas.

  1. Toute l’Italie, la Lombardie comprise, confiante dans la puissance des deux armées libératrices, ménageait ses forces, ne croyant pas à la nécessité d’appuis vigoureux, comme si-elle craignait de les gaspiller. Tivaroni, L’Italia degli Italiani, t. II, p. 58.