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l’éducation en hollande.

politiques : on attend d’eux qu’ils défendent les idées au nom desquelles on les a nommés) ; mais c’est aussi que la période d’instruction à laquelle correspond l’école élémentaire est plus étendue, plus importante, plus délimitée ; impossible de l’éluder. Malgré cela pourtant, l’État n’obtient la confiance des parens qu’en établissant dans ses écoles des sortes de cloisons sociales, une division fondée sur la moins respectable des aristocraties, celle de l’argent. À défaut de l’instruction intégrale, ce fut toujours le vœu des amis de la démocratie que, du moins, le point de départ de l’instruction fût commun. Nous voyons que cela n’est pas possible, si l’on n’accepte franchement les conséquences de cette loi d’inégalité qui est une loi de nature. Les parens consentent bien à ce que tous les enfans reçoivent un enseignement commun, mais ils veulent que cet enseignement soit donné dans des enceintes différentes. La Hollande a jugé préférable de satisfaire sur ce point l’idéal démocratique plutôt que de sacrifier aux vaines exigences de la chimère égalitaire.

J’ai dit déjà les doutes que me suggérait une comparaison trop hâtive, il est vrai, du degré de culture intellectuelle atteint par l’élève du gymnase et par l’élève de l’école moyenne. S’il est prouvé que le second soit moins cultivé que le premier, tout en travaillant plus, et en bénéficiant au point de vue des langues vivantes d’une situation exceptionnellement favorable, à laquelle nous n’atteindrons jamais, n’est-on pas autorisé à croire que ces classiques tant attaqués ont bien vraiment sur les autres chefs-d’œuvre de l’esprit humain une supériorité pédagogique ? Quant à l’externat, jamais mieux que par l’expérience hollandaise n’a été soulignée l’importance du rôle qu’y joue la famille. La famille française, trop souvent jugée sur de trompeuses apparences, ne mérite pas les reproches qu’on lui adresse. Mais a-t-elle les qualités nécessaires pour former le caractère de ses fils ? Que chacun de nous descende au fond de sa conscience et s’interroge, car il ne s’agit pas, en généralisant l’externat, d’aboutir à une nouvelle banqueroute pédagogique. L’heure est grave pour la France. Sa réorganisation nationale est terminée ; elle pense avoir rétabli quelque ordre dans ses rangs, quelque tradition dans ses services. Il s’agit maintenant pour elle de se mettre résolument en marche vers les sommets où régnent les peuples forts, et par l’éducation seule elle y parviendra.

C’est sur un de ces sommets que campe le peuple hollandais.