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LES PRINCIPES COLONIAUX
D’UN NATURALISTE AMÉRICAIN

Une voyageuse anglaise de grand mérite, Mlle Mary Kingsley, dont nous avons recommandé aux lecteurs de cette Revue les spirituelles et instructives études sur l’Afrique occidentale, estime que toute puissance européenne, qui, après avoir dompté et conquis des populations noires, se croit tenue de travailler à leur éducation, de les convertir aux idées et aux sentimens des peuples civilisés, y perdra ses peines et se condamne à un piteux et misérable échec. Elle reproche à certains administrateurs des colonies de la Couronne d’avoir trop de goût pour la politique d’assimilation. Elle raconte à ce propos qu’on éléphant au cœur sensible, ayant écrasé par mégarde une perdrix, dont le nid était plein de petits perdreaux qui n’avaient pas encore de plumes, résolut de leur tenir lieu de mère, et que, versant des larmes d’attendrissement, il s’assit sur la couvée : « Voilà précisément, dit-elle, ce que fait dans l’Afrique occidentale l’Angleterre du XIXe siècle. »

Un naturaliste américain, M. Harvey Brown, qui a passé huit ans dans les territoires de l’Afrique du Sud annexés par M. Cecil Rhodes à l’Empire britannique, et connus sous le nom de Rhodesia, est arrivé aux mêmes conclusions que Mlle Kingsley : il affirme comme elle que les noirs sont absolument réfractaires à la civilisation anglaise, que noirs ils entrent au bain, que noirs ils en sortent. Mais, tandis que Mlle Kingsley éprouve une chaude sympathie pour les races inférieures, qu’elle s’intéresse à leur sort, qu’elle leur reconnaît des vertus qui valent quelquefois les nôtres, M. Brown a pour tous les indigènes de la Rhodesia une insurmontable répugnance et un souverain mépris. Il