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la capacité ou les défauts de son cheval, suivant ce qu’il sait de ses rivaux partans, et aussi suivant la qualité probable de la piste ou la longueur de la distance. Selon qu’il aura entre les jambes une bête de « fond » ou de « train, » il tâchera d’avoir une course lente ou rapide. Souvent il manque par avance de données positives, — les gens d’écurie sont entre eux assez méfians et fort peu bavards, — ou bien toute initiative lui est interdite : il devra « monter aux ordres, » d’après les instructions du propriétaire. Il se rabat alors, pour augmenter ses chances, sur les trucs usuels ; il tâche de faire prendre, à un concurrent chaud comme braise, plusieurs faux départs qui l’esquintent avant la course ; il lasse, à force d’indiscipline, le starter auquel il arrache un départ avantageux pour lui-même. Est-il en tête et menacé d’être battu ? il laisse volontairement le long de la corde un petit espace où va s’engager le cheval qui le suit ; puis, se rapprochant de façon à barrer le chemin, il oblige son rival à changer son action, ce qui suffit à le faire perdre. Sait-il, au contraire, que l’animal qui le devance d’une demi-longueur montre toujours à l’arrivée, en présence des cris et des chapeaux en branle, une seconde d’hésitation pendant laquelle il ralentit imperceptiblement son galop et semble attendre son camarade : c’est le moment à choisir pour donner un « coup de main » et voler la victoire devant le poteau.

Et toutes ces petites ruses ou combinaisons, qui exigent de la présence d’esprit, doivent se faire à une allure deux fois plus vite que celle des charges de cavalerie, effectuées à raison de 460 mètres par minute en France et de 540 mètres en Allemagne ; pendant que les bêtes affolées, filant comme des express, se poussent et font voler des cailloux et de la terre aux yeux de leurs cavaliers.


Vte G. d’AVENEL.