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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 154.djvu/863

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Et puis, jusqu’au soir, c’est le plateau, l’interminable plateau qui couvre les trois quarts du désert, là, il n’est pas trop monotone encore et se ressent du voisinage des bas-fonds et des vallées, que les rivières d’autrefois ont creusés dans la région d’Ouargla. Quelques ravins profonds, où glissent vers le chott invisible des coulées de sable, interrompait de temps à autre la surface de la haute plaine. Cette surface elle-même n’est pas unie, mais ondulée, parsemée çà et là de cordons de dunes que les vents ont amassées en longues traînées. Avec le sable, dans le désert, apparaît toujours un peu de vie ; la vraie désolation est la hammada, le plateau pierreux. Ici le tapis jaune des fines poussières se pique du vert poudreux des herbes désertiques dont les chameaux sont si avides ; la marche devient lente et irrégulière ; les bêtes s’écartent sans cesse, malgré les coups de matraque, du droit chemin ; et elles cueillent, du bout de leurs grosses lèvres, la maigre nourriture dont elles devinent qu’elles seront bientôt privées.

Le soir, la halte a lieu au fond d’un cirque solitaire, appelé Merieb Sebbakh. Tandis que les chameaux broutent les herbes rares, nous songeons à la France, dans la nuit fraîche, sous les étoiles silencieuses.


10 Octobre.

Journée monotone, monotone, sur le plateau qui devient de plus en plus horizontal, de plus en plus sauvage. Le drinn a presque disparu, remplacé peu à peu par la plante des solitudes de pierres, le chardon du désert qui, sur le sol gris, fait de petites taches bleues.

Quelle terrible année ! En plein mois d’octobre, l’atroce température de l’été continue de sévir sur les plateaux, qui brûlent tout le jour dans un resplendissement farouche, troublé d’étonnans mirages.

Le désert s’accuse de plus en plus : les lézards, les scarabées, les fourmis ont disparu. Ah ! ce pays où manque l’infime vie du sol, ce pays sans herbe, sans oiseaux et sans fleurs ! Rien que des cailloux gris après des cailloux gris, quelques chardons aux reflets métalliques et les ombres de nos chameaux au milieu de l’espace qui flambe.


La journée se traîne ainsi, pénible, silencieuse. A la tombée