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défendant la politique de la véritable porte ouverte, nous pourrons nous entendre utilement, sur le simple terrain des affaires, avec des hommes de toute nation, comme les Anglais et les Allemands s’accordent sur ce même terrain, malgré les profondes divergences de vue qui tendent de plus en plus à les séparer. Nous trouverions ainsi en Chine un large et rémunérateur emploi de nos capitaux, qui est tout ce que nous y pouvons chercher, et qui, par contre-coup, donneront à notre industrie nationale plus de débouchés que ne pourrait lui en procurer l’absorption au sein de nos barrières douanières de quelques provinces pauvres.

De toutes manières, les pays riches de l’Europe occidentale et centrale, les Etats-Unis aussi, doivent jouer un rôle très important dans la mise en valeur de la Chine, et c’est à eux qu’elle doit le plus profiter d’abord, parce qu’il y faut des capitaux, qui seront largement rémunérés d’ailleurs, et on sera bien obligé d’aller les chercher où ils sont. Sans doute la Russie et le Japon ont eux aussi un rôle à jouer : sur l’échiquier politique ce rôle est capital, au point de vue intellectuel et social il peut l’être aussi. On est moins loin de la Chine, non seulement physiquement, mais moralement aussi à Pétersbourg et surtout à Tokio qu’à Paris, à Londres ou à Berlin ; on y sait mieux comprendre les Chinois et se faire comprendre d’eux. C’est des mains des Russes, et surtout maintenant des Japonais, semble-t-il, que les Chinois recevraient le plus volontiers la civilisation moderne. Russes et Japonais se chargeraient sans doute bien volontiers de la leur enseigner exclusivement, mais, n’étant point assez riches pour les doter d’un outillage, ils devront nécessairement recourir, pour cette tâche matérielle, à l’indispensable appui de l’Europe occidentale et centrale.

Le maintien du gouvernement chinois paraît aujourd’hui très préférable, dans l’intérêt même de l’exploitation des ressources du pays et de l’introduction de notre civilisation dans ses immenses territoires, au partage de la Chine entre les nations européennes. Ce n’est pas que nous croyions ce gouvernement converti aux idées de progrès. Nous pensons que, à quelques exceptions près, la classe qui fournit au Céleste Empire ses administrateurs et ses hommes d’État est aussi figée dans sa sagesse décrépite, aussi dédaigneuse de la culture occidentale, et en outre aussi corrompue qu’elle l’ait jamais été. Mais elle est aujourd’hui convaincue de son incapacité de résister à l’Europe et résignée à céder à la