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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/181

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et j’y reste. Si vous avez peur de la compétition des femmes, vous ferez mieux d’abandonner tout de suite le métier. » — Sur quoi, un revirement immédiat se produisit.

Rose dira de même à une femme arrivée au succès, qui paraît vouloir la détourner d’écrire : « Ceux qui ont réussi sont toujours prêts à décourager les débutans. Ils ont tort. Je pourrai vaincre les obstacles aussi bien que vous. Oui, avant cinq ans, je vous ferai baisser pavillon devant moi ! » Et la malencontreuse conseillère de s’écrier : « Venez, grande admirable créature, que je vous embrasse ! » En lui demandant pardon. Voilà comment s’affirme le vrai mérite, ailleurs que dans notre vieux monde où il a parfois le tort inexcusable d’être timide et de douter de lui-même.

Et pourtant, jusque-là, Rose n’a encore rien produit que quelques imitations inconscientes de Tennyson et d’Elizabeth Browning. Mason, un journaliste, déjà mûr, à l’esprit critique, le lui fait entendre, en l’engageant atout jeter au feu, et elle ne regimbe pas contre celui-là, parce qu’après tant d’autres il a touché fortement son imagination. Ira-t-il jusqu’à son cœur ? Elle se demande si le mariage est compatible avec les ambitions d’une femme, « qui veut faire quelque chose de grand pour enrichir l’humanité. » Et la doctoresse Herrick lui affirme scientifiquement que oui ; la maternité ne peut qu’augmenter notre puissance intellectuelle. Isabelle Herrick sera mère sans rien perdre de sa valeur comme médecin. C’est avec cette confiance qu’elle-même épouse son confrère, le docteur Sanborn. Et Rose deviendra l’heureuse femme du censeur rigoureux qui lui a fait brûler ses premiers vers. Il est vrai qu’il lui a écrit certaine lettre bien faite pour décider une femme nouvelle à l’union libre. En voici la substance :

« Je ne promets pas de vous rendre heureuse. Je ne peux vous garantir aucune de ces choses que les maris sont supposés apporter, pas même un foyer, car ma vie est précaire, elle dépend de ma besogne quotidienne et les œuvres que je rêve ne sont pas de celles qui font gagner de l’argent. Je ne vous promets pas de me conformer à vos goûts. Je ne vous promets pas de faire de vos amis mes amis personnels. Je ne puis vous promettre non plus d’être fidèle jusqu’à la mort, mais jamais je ne mènerai une vie double, jamais je ne vous cacherai un changement à votre égard, s’il survient.

« Je crois fermement que vous me suffirez toujours, mais il