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deux systèmes apportent leur témoignage à la formule de notre choix. Et, en effet, c’est qu’aux colonies, c’est bien moins la question de l’étiquette du régime qui importe que celle des « hommes. » C’est que, si, dans la métropole, les administrations, traditionnellement organisées, fonctionnent automatiquement et peuvent à la rigueur se passer d’hommes, — quelque temps, — aux colonies, au contraire, où l’imprévu est la règle et où la décision est la nécessité quotidienne, une formule domine toutes les autres, c’est the right man in the right place.

Or l’habit ne fait pas le… right man. Et, que l’habit du chef soit civil ou militaire, la chose est indifférente une fois l’homme bien choisi, — pour cette raison qu’il n’y a pas deux manières (j’entends bonnes) d’exercer le commandement colonial ; il y en a une ; et celle-là exige des qualités qui sont à la fois militaires et civiles, — ou, plus exactement, administratives.

Quelles sont donc les qualités caractéristiques du chef militaire ?

Est-ce seulement de savoir commander l’exercice et de connaître la lettre des règlemens ? Ou bien est-ce le don naturel du commandement, la décision, l’activité communicative, la promptitude du coup d’œil, le sang-froid dans le péril ? Et, si elles sont telles, ne sont-elles pas nécessaires au chef colonial civil aussi bien qu’au militaire ?

Et quelles sont les qualités qui doivent distinguer entre toutes l’administrateur colonial ?

Est-ce seulement la connaissance méticuleuse des décrets et circulaires, le souci scrupuleux de leur stricte application, est-ce le fétichisme du tchin, qui existe ailleurs qu’en Russie. Ou bien est-ce l’initiative, la soif des responsabilités, l’appel constant au bon sens, la passion du mieux, l’interprétation la plus large, la plus libérale des règlemens et la volonté d’en subordonner la lettre à l’esprit. Et dira-t-on que de telles qualités sont moins nécessaires au chef militaire qu’au chef civil ?

Est-ce que tout colonial, administrateur ou colon, ne fait pas œuvre de militaire ? Se prémunir contre les reviremens toujours possibles chez des populations contenues par une poignée d’Européens, commander ses milices, ses engagés indigènes, n’est-ce pas faire acte de soldat ?

Et le soldat qui organise le pays à mesure qu’il le conquiert, n’est-il pas un administrateur ?

Sont-ce des civils ou des militaires ces colons, ces