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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/382

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L’ensemble de tous les points d’une droite ou d’une circonférence est indénombrable. Il y a, eu quelque sorte, des infinis avec des concentrations, des densités différentes : l’infini mathématique, lui aussi, soulève d’immenses discussions philosophiques… L’ensemble dénombrable correspond à cette force qu’a notre esprit d’imaginer une même opération indéfiniment répétée, toujours identique à elle-même.

« L’homme n’est qu’un roseau, a dit Pascal, le plus faible de la nature, mais un roseau pensant. » N’est-il point magnifique que ce « roseau, » dont les jours sont étroitement limités, dont la puissance de travail est étrangement limitée dans ce peu de jours, ait conçu l’illimité, l’absence de bornes, alors que tout ce qui l’entoure est essentiellement borné ! Mais devant l’ensemble non dénombrable avouons notre faiblesse, cette notion est surtout négative…

Nous présenterons maintenant le concept de fonction, très accessible dans ses grandes lignes.

En effet nous saisissons à chaque instant des liens, des dépendances réciproques entre les choses. Le temps que met une voiture automobile à faire un certain trajet dépend de la puissance de la machine, de la longueur de la route, etc. Pour le géomètre la puissance de la machine sera une variable, la longueur du trajet sera une autre variable et l’on dira : « La durée de la course est fonction de ces variables. » En général une variable est une même chose considérée dans les divers états de grandeur qu’elle peut acquérir, et une première variable est fonction d’une deuxième, lorsqu’une variation de celle-ci entraîne une variation de l’autre. Cet énoncé est extrêmement compréhensif, et il y a des infinités de fonctions inaccessibles au géomètre. Comment saisir, par exemple, le lien précis et rigoureux entre la violence d’un tourbillon de vent (phénomène si complexe), les courans, les marées et la forme de la vague (forme non géométrique, loin de là ! ). Et encore la mécanique céleste et la physique (mathématiques appliquées) ayant à traiter des êtres inanimés, parviennent-elles, dans bien des cas, à des solutions suffisantes, en appliquant les théories des mathématiques pures à des êtres fictifs assez peu différens des données réelles ? Que de prodiges de travail ingénieux pour cela ! Mais l’on ne conçoit guère la possibilité d’analyser mathématiquement les phénomènes de la vie, même chez la plante qui offre cependant bien moins d’ « imprévu, » de « spontané, »