Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’animal. Laissons tout cela de côté, et ne sortons pas de l’analyse pure[1] ; c’est l’étude des fonctions en soi, au point de vue abstrait. Nous indiquerons d’abord quelques caractères généraux de classification des fonctions, et nous dirons un mot du problème capital de l’analyse, l’Intégration. Nous essaierons, par des comparaisons, de laisser « entrevoir » ces idées fondamentales.

Le premier caractère à reconnaître est la continuité (cette notion est liée à celle d’ensemble indénombrable). Dans un spectre solaire bien étalé, ou dans un arc-en-ciel, les nuances se succèdent pour notre œil sans brusque transition ; elles varient avec continuité. Une raie noire (comme dans l’analyse spectrale) constituerait une discontinuité. Les fonctions discontinues, qui sont elles-mêmes de nature diverse, sont de nature plus compliquée que les fonctions continues.

Une fonction continue est en général dérivable, c’est là un second caractère important. Prenons un train en marche ; l’espace parcouru est fonction du temps employé à le parcourir, la vitesse à chaque instant varie, elle est aussi fonction du temps. Il y a un lien très précis entre la fonction espace et la fonction vitesse, celle-ci est la dérivée de celle-là.

Notre image a quelque valeur ; c’est elle, en effet, qui a conduit Newton à introduire dans la science le concept de dérivée. Il pensait non point à un train, mais à une planète, alors qu’à la même époque, Leibniz créait le même concept pour l’étude des maxima et des minima d’une fonction : la dérivée s’annule lorsque la fonction primitive devient maxima ou minima. Ainsi l’un des sommets de la science était reconnu à la même époque par deux chemins très différens : le savant anglais se posait une question de mécanique, le savant allemand étudiait une question

  1. Une remarque est ici nécessaire. C’est à l’occasion de problèmes de physique d’astronomie, de géodésie, que l’analyse s’est développée. De cette « analyse appliquée, » par un travail d’épuration des concepts, est sortie l’ « analyse pure. »
    La première a précédé historiquement la seconde, et cela tient à la faiblesse de l’esprit humain, qui n’aurait su créer l’analyse de toutes pièces. (Voir plus loin.)
    Actuellement, l’analyse pure est devenue la devancière, nous semble-t-il.
    Ajoutons deux mots d’histoire des mathématiques. Les Grecs, bien avant notre ère, avaient développé la géométrie pure (sans calcul) ; Archimède avait résolu un cas particulier du calcul intégral. Vièle, au XVIIe siècle, fonda l’algèbre ; Descartes traita par l’algèbre les questions de géométrie (géométrie analytique). Enfin l’analyse proprement dite (calcul infinitésimal) vit le jour avec la découverte de Newton et Leibniz. Cauchy, au début de notre siècle, a eu la gloire de lui donner un nouvel essor par la substitution à la « variable réelle » de la « variable complexe, » dont la première n’est qu’un cas particulier.