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Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/384

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d’algèbre pure. Et si nous voulions « critiquer » ce point d’histoire des mathématiques, nous pourrions mettre en opposition Newton et le génie anglais, pratique ; Leibniz, et le génie allemand, spéculatif. Si l’on nous objectait que la race n’était pas ici prépondérante, puisque Leibniz était d’origine slave, nous invoquerions l’influence du milieu : la formation de Leibniz était bien allemande. Enfin l’influence du moment est bien manifeste, puisque deux grands esprits ont à la même époque mis au jour le principe du calcul infinitésimal.

Ce mot lui-même indique que nous retrouvons l’infini mathématique, mais cette fois l’infini en petitesse. La dérivée est en effet le quotient de l’accroissement infiniment petit[1] de la fonction par l’accroissement infiniment petit correspondant de la variable. Le calcul infinitésimal comprend deux grands chapitres : le calcul différentiel, qui est le calcul des dérivées, et plus généralement se propose de trouver les relations entre « infiniment petits » qui résultent des relations données entre « quantités finies correspondantes. » Dans le calcul intégral, l’on se propose la question inverse (intégration). Une fonction est définie par son mode d’existence dans le domaine infinitésimal, et l’on cherche son mode d’existence véritable en quantités finies.

La difficulté de l’intégration est, en général, immense.

On pourrait presque dire que l’étude des fonctions c’est, en somme, toute la mathématique. L’analyste travaille à donner la forme mathématique, c’est-à-dire la rigueur et la précision, à des dépendances de plus en plus compliquées et délicates entre les grandeurs.


II

Ayant dit un mot de quelques-unes des idées fondamentales, nous arrivons au cœur de notre sujet : « Art et Science. » Les mathématiques ont un triple but : utilité pratique, utilité pour la philosophie naturelle (théories mécaniques, physiques…), utilité pour la métaphysique en ce qu’elles permettent

  1. Ce mot, en mathématiques, a un tout autre sens que dans le langage courant. On dit un « infiniment petit » en parlant d’un « microbe. » Pour le géomètre, infiniment petit veut dire « indéfiniment décroissant, » quantité évanouissante. Par exemple, la différence : 1 — 0, 999… 9… devient un infiniment petit, si l’on augmente indéfiniment le nombre des chiffres 9 placés à droite de la virgule.
    Quand la dérivée existe, c’est que le rapport des deux quantités évanouissantes est parfaitement fini.