faut d’ailleurs être toujours préparés, et la paix l’état le plus ordinaire des nations civilisées. Enfin nous continuons de préférer à toute l’agitation contemporaine, à la fois si bruyante et si stérile, le mot simple et grave de Gambetta sur certaines choses auxquelles il faut, disait-il, « penser toujours sans en parler jamais. »
Nous voilà en apparence assez loin de M. Déroulède et du procès de la Haute Cour : pourtant le nationalisme, avec les traits que nous venons de lui attribuer, est un peu son fait personnel, et il en est en quelque sorte la représentation la mieux caractérisée. Pour être respectables, certains égaremens n’en sont pas moins compromettans, et peut-être faut-il prendre d’autant plus de précautions pour s’en garantir qu’ils offrent à l’imagination des dehors plus séduisans. C’est comme un piège à éviter. Il est temps, après les émotions de ces derniers mois ou plutôt de ces dernières années, que chacun retrouve son équilibre moral et s’y maintienne, car presque tous en sont sortis. Nous venons de dire du nationalisme ce que nous en pensions ; mais il n’est pas le seul coupable, et, s’il est une exagération dans un sens, l’exagération en sens contraire existe aussi. Non pas, certes, que tout le monde ne soit pas, au fond de l’âme, sincèrement patriote : ceux à qui on reprocherait de ne pas l’être protesteraient avec indignation. Il n’en est pas moins vrai que, si les nationalistes nous accusent de n’être pas assez sensibles à l’honneur national, nous ne saurions témoigner un vif intérêt à l’armée sans que d’autres nous accusent aussitôt de nationalisme. Il faut rester à distance égale de toutes ces exagérations. Mais ce n’est pas le procès de la Haute Cour qui nous y aidera. Ce n’est pas le ministère actuel, auteur responsable d’une partie de nos maux, qui nous rendra ce service : nul plus que lui, en effet, n’a poussé aux exagérations et aux confusions de toutes les idées et de tous les sentimens. Il aurait été digne de tenir ses séances dans la tour de Babel. Puisse-t-il disparaître le plus tôt possible ! Les socialistes seuls le regretteront. Les radicaux, — peut-être en reste-t-il encore quelques-uns, — commencent à se détacher de lui. C’est du moins ce qui semble ressortir de l’élection de M. Deschanel. Ce premier acte politique est de bon augure : il permet d’espérer une année de paix morale et de réparation.
Nous parlions plus haut, à propos des excès de l’impérialisme britannique, des difficultés que l’Angleterre rencontrait au Transvaal. Les revers éprouvés par les troupes de la Reine, malgré le courage qu’elles ont déployé, ont été, comme on devait s’y attendre, extrêmement