lien n’unit plus entre eux, bien que, serrés côte à côte, ils offrent encore l’apparence d’une brosse très douce, est ce qu’on nomme le « feutrage. » On commence par les secouer, les « souffler » en termes techniques, pour les épurer entièrement. Puis vient l’ « arçonnage : » l’ouvrier promenait, sur les brins alors brouillés et agglomérés en légers flocons, une corde à violon dont la vibration les crêpait, les fouettait comme une crème, les étalait enfin en nappe régulière. Le duvet commence déjà à s’entrelacer et à prendre corps. Le « bastissage » lui donne une forme conique, celle d’une cloche ou d’un filtre à liqueur de grande dimension. Le « marchage » et le « couchage » complètent la besogne, en pliant, serrant et aplatissant ces cornets, en réglant leurs dimensions sur celles d’un patron de papier.
Après un « mouillage » indispensable pour lui donner de la consistance, l’étoffe est portée à la « foule. » Plongés en de vastes baquets de fonte, dont l’eau, maintenue à la température invariable de 100 degrés, contient une dose légère d’acide sulfurique, les prestigieux bonnets pointus de tout à l’heure, faits, semblait-il, pour des pierrots géans, s’étriquent et se rétrécissent à vue d’œil, pendant qu’ils sont brassés, tordus, roulés et tripotés en tous sens. Ils se réduisent enfin au quart de leur développement primitif ; tandis que leur substance gagne en épaisseur et en force ce qu’elle perd en étendue. Au sortir de ce bain, où souvent elle reçoit par la teinture sa couleur définitive, la « cloche » est amenée au point où les fabricans de « formes » féminines en prennent livraison.
Le rôle du manufacturier est achevé, celui de l’artiste commence. En effet, s’il subsiste encore, dans les faubourgs, quelques ateliers presque familiaux, rappelant, par leurs procédés manuels, l’ancienne organisation du métier, le temps où chaque ouvrier confectionnait lui-même ses chapeaux du commencement à la fin, — il n’en produisait en moyenne que deux par jour, — l’ensemble de la main-d’œuvre est devenu presque partout purement mécanique. Depuis la « souffleuse » et la « bastisseuse à injecteur, » jusqu’à la « fouleuse » à marteaux ou à rouleaux, la transmutation du poil en feutre se fait automatiquement, y compris le « dressage » des chapeaux d’hommes sur des modèles de bois, qu’épouse la « cloche » humide encore au sortir de la « foule ; »