à devenir la principe directeur de l’œuvre de Corneille. Dans la Place Royale, Alidor dit à Cléandre :
- Je veux la liberté dans le milieu des fers,
- Il ne faut point servir d’objet qui nous possède,
- Il ne faut point nourrir d’amour qui ne nous cède,
- Je le hais s’il me force, et, quand j’aime, je veux
- Que de ma volonté dépendent tous mes vœux,
- Que mon feu m’obéisse au lieu de me contraindre,
- Que je puisse, à mon gré, l’enflammer ou l’éteindre,
- Et toujours en état de disposer de moi,
- Donner quand il me plaît et retirer ma foi.
Les jeunes filles de Corneille sont élevées dans l’idée que l’on aime effectivement où l’on veut, et elles mettent leur amour-propre à rester maîtresses de leurs affections. Le bonhomme Pleirante s’est aperçu que sa fille Célidée en tient pour Lysandre. Il lui laisse entrevoir qu’il l’a devinée et qu’il approuve son choix. Célidée repart fièrement :
- Monsieur, il est tout vrai, son ardeur légitime
- A tant gagné sur moi que j’en fais de l’estime…
- J’aime son entretien, je chéris sa présence ;
- Mais cela n’est enfin qu’un peu de complaisance,
- Qu’un mouvement léger qui passe en moins d’un jour :
- Vos seuls commandemens produiront mon amour.
- (Galerie du Palais.)
Une autre ingénue, Doris, répond d’un ton offensé à sa mère, qui la croit éprise d’Alcidon, qu’elle reconnaît avoir mis les apparences contre elle :
- Mais mon cœur se conserve au point où je le veux,
- Toujours libre, et qui garde une amitié sincère
- A celui que voudra me prescrire une mère…
- Votre vouloir du mien absolument dispose.
- (La Veuve.)
Le public approuvait ce langage ; il convenait à des gens qui mariaient le plus souvent leurs filles sans les consulter de se dire que l’on commande à son cœur. Après tout, c’était peut-être vrai, ou presque vrai, au temps où l’on y croyait ; la foi, jointe à la nécessité, engendre des miracles, et les mœurs en réclamaient à tout instant. On ne parlait qu’amour dans le monde, comme dans les comédies de Corneille ; chacun était épris ou feignait de l’être ; mais ce joli gazouillement se taisait au seul mot de mariage, car