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puisqu’elles vont à présent jusqu’à la personne sacrée du Roi. Il sera, à ce que je crois, le premier de nos rois qui aura épousé une simple demoiselle ! »

Le mariage n’était point un succès pour M. le Duc et sa conseillère. Ils en furent assez chansonnés pour que personne n’ignorât les motifs intéressés qui leur avaient fait faire un choix aussi imprévu. Le public, déjà mécontenté par les édits financiers, se montra désappointé et inquiet de l’avenir. « Nous verrons, disait-on, les suites de ce mariage avec un roi qui n’est plus roi, qui l’a été par une élection faite en conquête, qui cesse de l’être par la même conquête, et qui est d’une nation tout à fait étrangère à la nôtre. Les Polonais sont les Gascons du Nord et très républicains. Quel intérêt pouvons-nous avoir avec eux ? Le roi Auguste, électeur de Saxe, qui est du corps de l’Empire et vrai roi de Pologne, va être fâché contre nous de ce que nous prenons pour reine la fille de son compétiteur et pourra nous faire des affaires avec l’Empereur et l’Empire. Le roi d’Espagne s’y joindra, et voilà peut-être une guerre affreuse dans toute l’Europe contre nous ! » Parlementaires et jansénistes ajoutaient un autre grief : « La famille du roi Stanislas est gouvernée par les jésuites. Il va en venir avec eux, comme si nous n’en avions pas assez ! » Cette crainte, douze ans après la bulle Unigenitus et à la veille des miracles jansénistes du diacre Paris, comptait plus aux yeux de bien des gens que les avantages politiques perdus par la France au renvoi de l’infante.

Des questions secondaires se soulevaient qui n’allaient point toutes sans difficultés. Pour décider des avantages matrimoniaux attribués à la fille de Stanislas, on n’eut qu’à prendre ceux que le roi d’Espagne avait stipulés en faveur de la sienne : 50 000 écus pour ses bagues et bijoux, qui devaient lui être remis après la signature des articles préliminaires ; 250 000 livres, à son arrivée près du Roi, et un douaire annuel de 20 000 écus d’or en cas de veuvage, avec 100 000 écus de pierreries qui lui demeuraient. La formation de la maison de la Reine n’était pas aussi aisée. Si l’on eût écouté le maréchal de Villars, on eût retardé pour la faire jusqu’au rétablissement des finances ; mais l’avidité de la cour ne l’entendait pas ainsi, et l’on se disputa âprement tant de places lucratives qu’il fallut bien distribuer. La plus élevée, la surintendance de la maison, revenait presque de droit à Mlle de Germont, sœur aînée de M. le Duc ; mais les importantes fonctions de