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membre de la Cour suprême, d’attorney général, et même de chief justice. Les Cinghalais ont la passion de la procédure : ils plaident pour des riens, même pour une part indivise de cocotier. L’ile a été dotée en 1885 par le chief justice Burnside d’un code pénal calqué sur celui de l’Inde, et le gouvernement s’occupe de codifier les lois civiles.

Un des meilleurs indices de la bonne administration d’une colonie est l’accroissement de la population. On ne peut raisonnablement admettre qu’un peuple qui croît rapidement en nombre soit opprimé, pressuré d’impôts ou mal gouverné. Rien de plus typique, à cet égard, que l’île de Java, dont la population, sous le gouvernement hollandais, s’est trouvée doublée à chaque période de trente-cinq ans, et qui jouit d’une des plus sages administrations coloniales qui soient au monde[1]. A Ceylan, la population s’est accrue aussi sous la domination anglaise, mais dans des proportions plus modestes. Il serait difficile, toutefois, d’évaluer exactement le nombre d’habitans que nourrissait l’île, lorsque les Anglais la ravirent aux Hollandais. Comme les Hollandais n’avaient jamais occupé l’intérieur du pays, ils ne pouvaient avoir des renseignemens exacts sur la population. Ce ne fut qu’en 1824 que le gouverneur Barnes fit une première tentative de recensement, qui donna pour résultat un chiffre de 851 440 habitans ; mais on doit tenir pour certain que le chiffre est trop faible, à cause des dissimulations que la crainte de l’impôt devait suggérer aux indigènes, et on peut sans exagération évaluer à un million d’habitans la population de Ceylan lors du premier recensement[2].

Un million d’habitans, c’est peu encore pour une île aussi belle que Ceylan ; c’est peu pour une île qui, vraisemblablement, comptait autrefois une population plus dense que celle des contrées les plus peuplées de l’Europe. Mais, sous le despotisme des derniers rois, la population avait considérablement décru, et il est probable que les Anglais occupèrent l’île précisément à l’époque de la plus profonde déchéance. Quoique les vieilles chroniques cinghalaises ne contiennent point de renseignemens précis sur la population de l’île, maints indices attestent qu’elle dut être autrefois d’une prodigieuse densité. C’est que, dans les contrées tropicales, l’accroissement de la population, corrélatif à la lutte pour

  1. Nous l’avons exposer dans notre étude sur Java et le système colonial des Hollandais. Revue des Deux Mondes, 1er novembre 1897.
  2. Fergusson, Ceylon, p. 23.